Titre : Cléopâtre
Auteur : Egyptia
Email : Aegyptia@aol.com
Catégorie : Aventure ; Jack&Sam Romance
Saison : Début de la saison 4
Résumé : L'histoire nous dit que la reine Cléopâtre est décédée des suites d'une morsure de serpent, mais ne s'agissait-il pas plutôt d'un Goa'uld ? Les membres de SG-1 ne tarderont pas à percer ce mystère...
Archive : Cette histoire ne peut être publiée sans l'autorisation de son auteur.
Disclaimer : Les personnages et la série sont la propriété de Showtime, Gekko et MGM. L'histoire ci-dessous n'existe pas dans un but lucratif mais uniquement dans un but de divertissement.
Note de l'auteur : Ceci est mon premier fanfic et je le dédie à Anaïs, une excellente amie qui m'a encouragé à l'écrire. Je vous souhaite à tous une bonne lecture :-)

Cléopâtre

 

 

ALEXANDRIE, -30 av. JC

Les cris résonnaient dans la cité. L’odeur du sang s’intensifiait. L’ombre de la mort se rapprochait. Octave donna un coup de talon dans le flanc de son cheval. L’animal hennit puis accéléra en direction des imposantes doubles portes qui fermaient le palais de Cléopâtre, reine d’Egypte qui avait séduit Jules César puis Marc-Antoine par sa beauté mystique. Octave ne se laisserait pas prendre au piège, il était déterminé à faire tomber le gouvernement égyptien et à empêcher Cléopâtre de rendre son prestige à l’Egypte. Rome devait vaincre, Octave, nouvel empereur depuis la mort consécutive des deux amants de la reine orientale, devait dominer et étendre l’empire romain. Les doubles portes de bois cédèrent sous les chocs du bouc que manipulaient les soldats. Les armées d’hommes à cheval pénétrèrent dans le palais. La victoire était proche. Cléopâtre s’éloigna de la fenêtre, elle sentait sa fin imminente. Dans un mouvement fluide elle se retourna et courut dans les couloirs du palais, entourée d’un nuage de tissu blanc qui flottait autour d’elle. Ses petits pas glissèrent sur le sol, sa respiration s’accéléra. Les gardes s’agitaient autour d’elle. La reine poussa une porte qu’elle referma derrière elle. Elle était seule. Il lui restait peu de temps. Son regard se tourna vers un lit au fond de la pièce. Un vase était posé sur le sol. Cela faisait longtemps qu’elle avait prévu la chose, mais tout s’était passé trop vite. Son cœur battit plus fort lorsqu’elle s’agenouilla à côté du vase. Elle souleva le petit couvercle. Il était là. Le serpent. Le Goa’uld. Flottant dans un liquide indéterminé. Cléopâtre avait peur. On lui avait assuré qu’il n’existait pas de mort plus douce et plus certaine. Le suicide valait mieux que l’humiliation et le déshonneur de la défaite, jamais elle ne serait l’esclave d’Octave, il ne gagnerait qu’en partie, il n’aurait pas le plaisir de raconter la soumission de Cléopâtre la grande. Déterminée, la reine plongea la main dans le vase et recueillit l’être frétillant. Elle croisa son regard noir, insensible, paralysant. Soudain, le Goa’uld poussa un cri suraigu et posséda la dernière reine d’Egypte...

* * *

CHEYENNE MOUNTAIN COMPLEX,

DE NOS JOURS

- Bonjour, salua le colonel O’Neill en entrant dans le laboratoire de Samantha.

- Oh, bonjour mon colonel.

Le major délaissa aussitôt ses expériences sur le réacteur à naqahdah. Elle jeta un vieux chiffon derrière elle et le salua militairement.

- Vous... hésita Jack en s’approchant de la jeune femme. Vous avez du noir sur la joue.

Il essuya la tâche du bout des doigts en prodiguant un effort surhumain pour ne pas trembler.

- Ca y est, articula-t-il difficilement en ravalant sa salive.

Les militaires ne dirent pas un mot, tous deux plongés dans le regard de l’autre. Quelques secondes semblables à l’éternité s’écoulèrent dans un silence gêné. Le seul bruit perceptible était le battement violent de leurs cœurs. Ils sentirent tous les deux que l’attente avait été trop longue, la vérité devait éclater avant que ce ne soit leur cerveau qui le fasse. Le colonel tendit la main vers la jeune femme, prêt à briser la glace.

- Salut ! s’exclama Daniel en entrant précipitamment dans la salle. Je vous dérange là ?

- Non, pas du tout, nia Jack en reculant d’un air innocent. J’étais juste venu voir sur quoi le major travaillait.

- Je ne savais pas que ses travaux vous intéressaient.

- Vous avez raison, ça ne m’intéresse pas du tout alors je vais y aller. On se retrouve pour le briefing de demain, huit heures.

- C’est ça, confirma l’égyptologue.

Déçue, Samantha salua le colonel puis rejoignit Daniel qui mettait le laboratoire sans dessus dessous.

- Qu’est-ce que vous faites ?

- J’ai perdu une de mes fiches de traduction et je crois que je l’ai laissée ici hier.

- Je vous préviendrai si je la trouve.

- Mais c’est urgent. Je dois ramener la traduction au musée ce soir.

- Je vais chercher ici pendant que vous irez regarder ailleurs, d’accord ? Comme ça je suis sûre que vous ne mettrez pas la pagaille dans mon labo.

L’égyptologue accepta et laissa la jeune femme à ses regrets, ne pouvant plus qu’imaginer ce que le colonel avait été sur le point de dire ou de faire.

* * *

Daniel ferma la portière de sa voiture et monta aussitôt le chauffage à fond. Il mit le contact puis l’engin s’engagea sur la route enneigée qui descendait de la montagne jusqu’à la ville. Comme d’habitude, il ne croisa personne. Le trajet allait durer environ quinze minutes. Il serait ensuite chez lui où l’attendait Jesse Walter, un vieil ami qui travaillait à présent dans un musée. Il avait confié à Daniel la traduction d’un ancien texte égyptien sur lequel de nombreux spécialistes étaient en désaccord. La neige se remit à tomber et le jeune homme alluma les essuie-glace.

Pendant ce temps, à quelques mètres de l’immeuble où vivait Daniel, son ami Jesse affrontait le vent et les flocons blancs. Cela faisait plusieurs minutes qu’une jeune femme emmitouflée dans un imperméable le suivait. A quelques pas de la porte de l’immeuble elle rattrapa l’homme et l’arrêta :

- Excusez-moi, vous êtes le docteur Walter ?

- Oui mais...

- C’est Daniel Jackson qui m’envoie. Suivez-moi s’il vous plaît.

La jeune femme entraîna Jesse dans une ruelle à deux pas. Là elle s’arrêta et baissa le capuchon qui projetait une ombre sur son visage. Elle était ravissante, son minois aux traits fins était encadré par de longs cheveux noirs et son regard dégageait une force et une assurance déstabilisante.

- Dites-moi ce qui se passe maintenant, je n’irai pas plus loin. Qui êtes-vous ?

- Vous me connaissez assurément. Je m’appelle... Cléopâtre.

L’homme écarquilla les yeux, il ne put s’empêcher de sourire à cette idée.

- Si ça peut vous faire plaisir de croire ça, je ne vais pas vous en empêcher. Vous m’excuserez mais je suis attendu.

- Stupide humain, lâcha-t-elle d’un air méprisant.

La jeune femme sortit avec lenteur un couteau de sa poche. Elle sourit à Jesse, lui laissant le temps de comprendre ce qui allait lui arriver, puis elle lui enfonça subitement le couteau dans le ventre. L’homme tenta de hurler mais les forces le quittait déjà. Sa dernière vision fut le sourire satisfait de Cléopâtre.

Daniel referma la porte du garage puis entra dans l’immeuble. Il emprunta les escaliers jusqu’au deuxième étage et traversa le couloir. Il eut la surprise de voir une jeune femme attendre devant sa porte. Elle vit l’égyptologue s’approcher et retira son capuchon en souriant.

Daniel ralentit, terrassé par la force qui se dégageait de la belle.

- Docteur Daniel Jackson ? demanda-t-elle d’une voix très douce.

- Oui, c’est moi.

- Le docteur Walter n’a pas pu venir en personne. Il m’envoie récupérer la traduction.

- Oh, je vois. Euh, d’accord. Eh bien... Je vous en prie, entrez.

Il ouvrit la porte de l’appartement et laissa la jeune femme passer la première. Il lui proposa de s’installer sur le canapé le temps qu’il aille chercher des boissons. Elle profita de l’absence du propriétaire des lieux pour fouiller. Il ne lui fallut que quelques secondes pour remarquer les cahiers entassés dans la bibliothèque. Elle en prit un au hasard et l’ouvrit. Il s’agissait d’un rapport de mission sur la planète Kheb. Elle ne s’était pas trompée, Daniel était bien la personne qu’elle recherchait. Elle rangea rapidement le cahier où elle l’avait trouvé puis elle alla se rasseoir. Daniel ne tarda pas à revenir de la cuisine avec du jus de fruit.

- J’y pense, vous ne m’avez même pas dit comment vous vous appeliez.

- C’est vrai, excusez-moi. Je m’appelle Cléo... Cléo Alexandre.

- Et vous travaillez avec Jesse ?

- Oui je suis... je suis l’assistante du docteur Walter.

- Il ne m’en a jamais parlé.

- C’est très récent. Et vous, que faites-vous dans la vie ?

- Moi ? Euh, c’est à dire que je... je ne fais rien de très intéressant.

- Cela ne vous plaît pas de voyager dans tout l’univers ?

Daniel laissa tomber son verre sur la moquette.

* * *

La base semblait aussi vivante la nuit que le jour. Il est vrai qu’une attaque alien pouvait avoir lieu à n’importe quelle heure, voilà qui justifiait un nombre de soldats en alerte identique à tout moment du jour ou de la nuit. Samantha referma la porte de sa chambre et traversa le couloir en direction de celle du colonel. Elle croisa deux gardes et attendit qu’ils aient disparu au tournant du couloir pour frapper à la porte. Jack vint ouvrir quelques minutes plus tard, les cheveux complètement ébouriffés. Son visage endormi s’illumina cependant en apercevant Samantha.

- Major, qu’est-ce que vous faites là ?

- Je ne vous réveille pas j’espère ?

- Pas du tout, dit-il en baillant derrière sa main.

- Euh, votre tee-shirt est à l’envers.

Le colonel baissa les yeux sur l’étiquette qui dépassait de son col.

- Essayez de vous habiller à toute vitesse dans le noir, bredouilla-t-il.

Samantha esquissa un sourire. Elle espéra intérieurement qu’il cesse de la faire rire, c’était ce qui lui faisait baisser sa garde. Pendant un instant elle regretta d’être venue jusqu’ici, le militaire en elle avait honte.

- Alors, qu’est-ce que vous êtes venue faire là, major ?

- Eh bien... C’est à cause de votre passage à mon labo cet après-midi. Enfin, j’ai eu l’impression que vous vouliez me dire quelque chose mais que l’arrivée de Daniel vous en a empêché.

Le colonel se mordit la lèvre inférieure. Il avait espéré que la jeune femme ne reviendrait pas sur ce moment de faiblesse.

- Je ne sais plus à vrai dire. Ca ne devait rien être d’important sinon je m’en souviendrais, sans doute une bêtise, vous me connaissez.

Samantha fut blessée intérieurement. Elle baissa la tête en s’excusant d’avoir dérangé son supérieur à une heure si tardive puis recula d’un pas.

- Bonsoir, dit-elle tristement.

- Bonsoir, répondit Jack en ayant du mal à s’arracher à la contemplation de la jeune femme.

Il n’avait pas le cœur à la laisser seule dans cet état. Quelque chose semblait la tracasser, et même s’il savait qu’il était la cause de son soucis il aurait aimé s’accorder la permission de la consoler. Son âme de soldat lui refusa ce bonheur. L’esprit torturé, il referma lentement sa porte. Longtemps après il restait toujours immobile face au couloir. Il appuya la paume de sa main contre la surface de la porte et caressa le métal lisse et frais. Il l’avait laissée repartir. Elle avait eu le courage de venir jusqu’à lui et il lui avait fermé son cœur. Il se sentait lâche, si lâche. Il avança encore jusqu’à coller sa joue contre le métal, il sentait encore la présence de Samantha, sa chaleur, son odeur. De l’autre coté, la jeune femme avait posé les mains sur la porte. Son front était appuyé contre l’acier, ses yeux étaient fermés. Elle savait Jack de l’autre coté. Elle imaginait son regard, son corps. Leur désir ardent semblait voué à ne jamais aboutir. Le supplice de Tantale, pire que la mort, pire que l’enfer. Quand la dernière porte qui les séparait de l’amour céderait-elle enfin ?

* * *

Daniel passa nerveusement une serpière sur le sol recouvert de jus d’orange tandis que Cléopâtre ramassait les morceaux du verre brisé.

- Je suis vraiment désolée, j’aurais dû vous annoncer ça avec plus de tact, s’excusa-t-elle.

Daniel laissa la serpière parterre et s’assit sur le canapé d’un air désemparé.

- Comment êtes-vous au courant du projet " porte des étoiles " ?

- C’est une longue histoire, non pas que je veuille vous cacher quoi que ce soit mais ce n’est pas le moment de parler de cela. Alors vous faites bien partie d’une équipe d’exploration ?

- Oui, mais je ne devrais pas vous en parler. En fait je devrais immédiatement prévenir la base pour qu’ils vous interrogent.

- Je crois pouvoir vous aider. En faisant des recherches j’ai découvert des renseignements qui pourraient vous rendre service.

- Comment ça ?

- Je voudrais rencontrer le commandant du programme " StarGate ".

- Pas question. Je ne peux pas vous laisser entrer dans la base. Ils n’accepteront pas de vous recevoir là-bas. C’est une question de sécurité.

- Convainquez-les de me faire confiance, il faut absolument que je pénètre dans cette base. Vous savez que mes intentions sont bonnes, vous me faites confiance, n’est-ce pas ?

- Je n’ai aucun pouvoir de décision là-bas.

La jeune femme baissa les yeux à la recherche d’une autre solution. Elle prit les mains de Daniel dans les siennes et le regarda affectueusement.

- Merci d’avoir été si accueillant, vous êtes charmant.

Elle sourit puis se pencha sur l’égyptologue. Leurs lèvres se frôlèrent, leurs souffles se mêlèrent. Soudain, Daniel ressentit une brûlure intense au fond de la gorge. Il porta la main à son crâne tandis que le corps de Cléopâtre roula sur le sol, inconscient. Les yeux du jeune homme ne tardèrent pas à s’animer d’une inquiétante lueur...

* * *

Le colonel O’Neill arriva en retard en salle d’embarquement. Il rejoignit aussitôt Samantha et Teal’c :

- Daniel n’est toujours pas là ? Il était déjà absent au briefing.

- Je sais, il a téléphoné au général Hammond pour lui dire qu’il serait en retard, expliqua Samantha. Il ne devrait pas tarder à arriver.

Teal’c leva la tête et aperçut Daniel derrière la vitre de la salle de contrôle. L’anneau de la porte des étoiles se mit à tourner et les chevrons s’enclenchèrent un à un.

- Daniel ! Qu’est-ce que vous faites ? cria le colonel à l’ouverture du vortex.

L’égyptologue saisit le micro et répondit :

- Allez-y, j’arrive tout de suite.

Jack soupira et se dirigea vers la porte en entraînant son équipe derrière lui. Samantha et Teal’c passèrent les premiers. Quelques secondes plus tard, Daniel pénétra dans la salle d’embarquement et rejoignit le colonel devant la porte.

- Ca va ? demanda Jack. Vous avez l’air bizarre.

- Je vais bien, répondit-il d’un ton neutre et distant.

- Vous n’êtes pas obligé de venir si vous n’êtes pas en forme, vous savez ?

Le jeune homme ne prononça pas un mot de plus et traversa la porte. De l’autre coté, Samantha et Teal’c s’affairaient autour de la sonde. Le major releva brusquement la tête, elle ressentit soudain quelque chose d’étrange et de familier, son estomac se noua. Jack passa près d’elle et remarqua son air perturbé.

- Major, un problème ?

- Je n’en suis pas sûre, je crois ressentir la présence d’un Goa’uld.

Les deux militaires et le Jaffa s’agrippèrent à leurs armes et surveillèrent les alentours. Ils se trouvaient au centre d’une épaisse forêt, cernés par des arbres.

- Je renvoie la sonde sur Terre, annonça Daniel.

- Allez-y, accepta le colonel, nous on va faire un petit tour. Faites attention à vous.

Les trois amis se faufilèrent prudemment entre les arbres. Les rayons du soleil avaient beaucoup de mal à percer le toit feuillu. Au loin, le bruit de l’ouverture de la porte retentit. Elle se referma quelques minutes plus tard.

- Major, vous avez vu quelque chose ?

- Non, mon colonel. Mais je ne ressens plus la présence du Goa’uld. On s’est peut-être éloigné.

- C’est pas grave. On va retourner auprès de Daniel avant qu’il ne s’inquiète.

Lorsqu’ils arrivèrent à la porte des étoiles, l’égyptologue avait disparu...

* * *

- Mon général, dit le sergent Siler, quelqu’un au téléphone désirerait parler au docteur Jackson. Il s’agit du concierge de son immeuble. Il dit avoir trouvé une jeune femme dans son appartement.

- Pourquoi venez-vous me dire ça ? Les histoires du docteur Jackson ne me concernent pas.

- Oui mais c’est différent. Le concierge dit que la jeune femme parle une langue étrange et qu’elle n’arrête pas de répéter le mot " StarGate " ainsi que le nom de Daniel.

- Envoyez quelqu’un récupérer cette jeune femme et assurez-vous que le concierge n’est pas au courant de ce qui se passe dans cette base.

Moins d’une heure plus tard, le sergent Siler refit son apparition dans le bureau du général.

- Ca y est, mon général. La jeune femme est à l’infirmerie, elle a l’air malade.

- J’arrive. Et qu’en est-il du concierge ?

- Il ne sait rien. Le docteur Jackson lui avait seulement laissé un numéro où le joindre à son travail en cas d’urgence.

Les deux hommes traversèrent les couloirs de la base d’un pas rapide. A l’infirmerie, allongée sur un lit, une jeune femme apparemment très affaiblie posa un regard effrayé sur eux.

- Bonjour, je suis le général Hammond, commandant de cette base.

- Démon, articula-t-elle difficilement.

- Pardon ?

- Goa’uld. Goa’uld en moi.

Le général regarda d’un air inquiet le docteur Fraiser.

- Ce n’est pas un Goa’uld, j’ai vérifié, certifia le médecin.

- Qui êtes-vous mademoiselle ?

- Cléopâtre.

Le général et le sergent Siler échangèrent un regard sceptique.

- Où Daniel est ? demanda la malade.

- Il n’est pas ici.

- Le démon, le... Goa’uld, il est Daniel.

A cet instant, l’alarme indiquant une ouverture extérieure de la porte des étoiles retentit dans la base. Se rappelant qu’aucun retour n’était prévu dans la matinée, le général quitta l’infirmerie au pas de course. Il arriva juste à temps pour assister à l’arrivée de SG-1.

- Colonel O’Neill, mais où est le docteur Jackson ?

- Eh bien c’est pour ça qu’on est revenu... Il a disparu.

- J’ai ressenti la présence d’un Goa’uld près de la porte, expliqua Samantha, on est allé inspecter les alentours et à notre retour Daniel avait disparu. On a entendu la porte s’ouvrir mais on pensait qu’il voulait renvoyer la sonde sur Terre.

- Je pense avoir une explication à tout ceci, révéla le général. Nous avons des raisons de croire que Daniel a été pris en otage par un Goa’uld.

* * *

SG-1 et le général Hammond patientaient nerveusement dans la salle de briefing. Tout à coup la porte s’ouvrit et le docteur Rothman fit son entrée.

- Alors, demanda le général.

- Oh, euh, j’ai réussi à communiquer avec elle plus ou moins bien. Les langues anciennes c’est plutôt le domaine de Daniel.

- Allez droit au but.

- Je pense qu’elle est réellement Cléopâtre. La légende raconte que la dernière reine d’Egypte se serait suicidée en se faisant mordre par un serpent, apparemment il s’agissait plutôt d’un Goa’uld. Cela fait deux millénaires qu’elle vit sur Terre parmi nous, elle a survécu grâce à un sarcophage. Le fait est qu’à son époque, la porte avait déjà été enterrée par les Egyptiens, elle ne pouvait pas s’échapper. Elle a découvert que la porte avait été retrouvée et elle a tout fait pour pouvoir l’emprunter.

- Le Goa’uld a alors changé de corps pour s’introduire sans problème dans la base. Il a utilisé Daniel pour nous berner, constata Samantha. C’était donc lui le Goa’uld que j’ai ressenti en mission, et c’est pourquoi il m’évitait depuis ce matin.

- Mais maintenant on n’a aucun moyen de retrouver la trace de Daniel, intervint Jack.

- Si ! s’exclama le docteur Rothman. Cléopâtre peut nous aider.

- Comment ça ? s’enquit le général.

- Elle a presque toutes les connaissances du Goa’uld qui était en elle. C’est de cette façon qu’elle a su utiliser quelques mots dans notre langue tout à l’heure. Elle doit certainement posséder les coordonnées de la planète originelle de son Goa’uld.

- Pour une fois, fit remarquer Jack, je vous trouve un peu moins stupide, Rothman.

Lorsque SG-1 arriva à l’infirmerie, ils eurent la surprise de trouver Cléopâtre encore plus affaiblie et avec une dizaine d’années en plus. Sans les pouvoirs de guérison du Goa’uld elle ne verrait pas un nouveau lever de soleil. Elle connaissait les coordonnées de la planète-mère de son parasite, ne restait qu’à espérer que Daniel se trouve là-bas. Un briefing fut organisé dans l’heure et les trois membres de SG-1 se portèrent volontaires pour partir à la rescousse de leur ami.

* * *

L’équipe débarqua dans une grotte sombre et humide. L’obscurité retomba sur les lieux à la fermeture de la porte des étoiles. Il y eut un peu de bruit puis trois faisceaux de lumière électrique éclairèrent les parois rocheuses.

- Mon colonel, appela Samantha après avoir fouillé les alentours immédiats de la porte. Regardez, ce sont des lunettes, probablement celles de Daniel.

- C’est une excellente nouvelle, ça prouve qu’on est sur la bonne planète.

- Mais les verres sont brisés, il lui est peut-être arrivé quelque chose.

- On le saura bien assez tôt. Teal’c, quelque chose à signaler ?

- Non colonel, si ce n’est que j’aperçois une lumière au bout du passage.

- D’accord, on va essayer de trouver la sortie de cette grotte.

Ils progressèrent prudemment parmi la poussière et les chauve-souris. Une faible lumière brillait effectivement au bout du long tunnel. Lorsqu’ils débouchèrent enfin en plein jour, il fallut plusieurs minutes le temps que leurs yeux s’habituent à cette exceptionnelle clarté. L’équipe se trouvait au sommet d’une falaise à la pente raide. A leurs pieds s’étendait une vallée et une petite ville, les toits des maisons scintillaient sous le soleil.

- Ca c’est une planète Goa’uld ?! s’exclama Jack.

- N’oubliez pas que le dirigeant de cette planète est prisonnier sur Terre depuis près de deux millénaires. Les gens ont eu le temps de prospérer, fit remarquer Samantha.

- Et maintenant le diable est de retour.

Le major Carter observa la pente de la falaise, ils allaient devoir escalader pour descendre. C’est alors qu’elle vit un tissu kaki un mètre plus bas. Sous le regard incompréhensif de Jack et Teal’c, la jeune femme s’engagea sur la pente et alla récupérer l’objet coincé entre deux rochers instables. Elle tira dessus, provoquant la chute de quelques pierres, puis remonta avec l’aide du colonel.

- C’est la veste de Daniel. Il est là, plus aucun doute.

- Vous n’êtes pas blessée ?

- Non, par contre il y a du sang sur la veste.

- Ne vous inquiétez pas, je suis sûr qu’il va bien... enfin, excepté ce Goa’uld en lui qui se prend pour Cléopâtre mais...

- Nous devons descendre de la falaise.

- C’est très haut, constata le colonel en se penchant légèrement en avant. Non pas que j’ai peur, bien sûr que non, c’est juste que... Vous êtes sûre que Daniel peut pas s’en tirer tout seul ? Si ça se trouve il va débarquer sur Terre dans quelques jours.

Samantha et Teal’c étaient déjà suspendus dans le vide. Jack leva les yeux au ciel puis les suivit. La descente fut longue et périlleuse mais ils atteignirent tous les trois le sol en bonne santé. A peine furent-ils à terre que le major Carter se mit à fouiller les abords.

- Qu’est-ce que vous cherchez ? demanda Jack, encore essoufflé.

- Une trace du passage de Daniel.

- Et vous comptez trouver quoi cette fois ? Son pantalon ? Ca m’étonnerait qu’il ait fait un strip-tease ici, vous savez.

- S’il a une quelconque emprise sur le Goa’uld il aura peut-être laissé des indices derrière lui.

- Comme le Petit Poucet, vous voulez dire ?

Samantha secoua la tête sans faire de commentaire, et sans le regarder car elle aurait eu du mal à s’en tenir à son rôle de militaire insensible. Ils finirent par débusquer un petit chemin de terre qui s’enfonçait dans la forêt en direction du village. Ils approchaient du but, ils se jetaient dans la gueule du loup.

* * *

A l’entrée de SG-1 dans la petite ville, les habitants inclinèrent respectueusement la tête puis poursuivirent leurs occupations. Une sorte de marché se tenait sur ce qui semblait être la place principale. Les gens paraissaient aimables et simples, majoritairement des fermiers et des artisans.

- Peut-être devrions-nous nous renseigner auprès de ces gens, proposa Samantha.

- Mais c’est le boulot de Daniel ça.

- Oui mais il n’est pas là mon colonel, je ne sais pas si vous avez remarqué...

- Oh, dans ce cas vous n’avez qu’à le remplacer.

Le major ne sut pas quoi répondre, elle resta immobile et muette quelques secondes puis se dit qu’il s’agissait d’un ordre et qu’elle n’avait pas le choix. Elle se dirigea alors vers une femme qui remplissait un grand seau à la fontaine.

- Euh, bonjour. Excusez-moi de vous déranger, euh... Nous sommes à la recherche d’un ami et nous pensons qu’il est dans les parages.

La femme regarda la terrienne d’un air effaré puis s’enfuit en courant.

- Et que ferait Daniel là ? demanda Samantha.

- Ecoutez-les parler, dit Teal’c.

Tous les villageois qui se trouvaient à proximité parlaient une langue étrangère. Jack poussa un soupir puis s’approcha de l’un d’eux.

- Buenos dias, guten tag, hello ! Alors ça m’arrangerait que vous compreniez parce que c’est tout ce que je sais dire.

- Winnae shilawue. Sipak ? dit le villageois.

Jack se contraignit à sourire puis se retourna vers ses amis :

- Bon d’accord, j’admets que Daniel peut s’avérer très utile en mission.

Des chants résonnèrent au loin, de plus en plus fort. Les visiteurs tournèrent la tête en direction du bruit et virent une longue procession s’enfoncer dans la forêt. Des dizaines de personnes portant des vêtements dorés et des coiffes extravagantes se suivaient les unes derrière les autres.

- On dirait qu’il va se passer quelque chose là-bas, observa Jack. Je propose qu’on les suive discrètement.

Ainsi, les trois membres de SG-1 se faufilèrent à la suite de la procession et commencèrent la traversée d’une immense forêt. Peu à peu, le chemin se mit à monter en pente, il devint de plus en plus abrupte et ce ne fut qu’après une demi-heure de marche que le sommet de la montagne fut enfin atteint. Le paysage était magnifique, que des arbres à perte de vue : un véritable océan de verdure. Et là, de l’autre coté de la montagne, se dressait un gigantesque palais au toit d’or. Jack mit ses lunettes et Samantha détourna la tête, les rayons de soleil qui se reflétaient sur le toit du palais étaient aveuglants.

- C’est un palais Goa’uld, affirma Teal’c. Tout cet or et ce faste, ce ne peut être qu’un Goa’uld.

- Vous pouvez me dire combien de montagnes on va encore devoir monter et descendre aujourd’hui ? se plaignit Jack. Daniel me revaudra ça. Quelle idée de se faire enlever par un Goa’uld aussi, pfff. J’devrais peut-être lui donner des cours de self-défense la prochaine fois.

Et ils reprirent leur longue marche jusqu’au bas de la montagne.

* * *

L’équipe resta dissimulée à l’ombre d’un buisson tandis que la longue procession de villageois disparaissait derrière les doubles portes cuivrées du palais. Deux hommes à la stature impressionnante gardaient l’entrée.

- Qu’est-ce qu’on fait ? chuchota Jack.

- C’est vous le colonel, fit remarquer Samantha.

- Hein ? Ah oui. Bon bein je suppose qu’il faut trouver un moyen d’entrer là-dedans... C’est dans un soucis de démocratie que je vous demanderais vos idées.

- Nous pourrions tenter de nous infiltrer par une fenêtre, proposa Teal’c.

- D’accord, on va voir comment les choses se présentent à l’arrière du palais.

A quatre pattes dans l’herbe, ils contournèrent l’énorme bâtiment. Il n’y avait apparemment aucune surveillance de ce côté ci. Cependant, les fenêtres les plus basses se situaient à environ trois mètres du sol. Samantha sortit une corde de son sac.

- Il y a une fenêtre ouverte ici, mais on n’a pas le matériel pour que la corde reste accrochée en haut.

- Moi j’ai une solution, annonça Jack en se plaçant sous la fenêtre.

- Vraiment ?

- Ca vous surprend ? Pourtant je suis sûr que j’ai été " MacGyver " dans une autre vie, ou peut-être dans une autre dimension. En tout cas voilà mon idée : je monte sur les épaules de Teal’c, puis vous montez sur les miennes, major. A nous trois on doit bien arriver à la hauteur de cette fichue fenêtre. Une fois là-bas, Carter, il ne vous reste plus qu’à nous envoyer la corde. Et le tour est joué.

Très fier de son plan, Jack monta sur les épaules de Teal’c. Le mur du palais leur permit de ne pas perdre leur équilibre déjà précaire. Samantha s’assura que son sac était bien accroché puis elle escalada le dos de Teal’c. Elle s’agrippa à la veste de Jack et continua son ascension en tentant d’oublier l’identité de la personne à laquelle elle s’accrochait. Elle fut un instant distraite par la proximité du colonel et son pied glissa. Elle se rattrapa aussitôt au cou de son supérieur en manquant de faire basculer la curieuse pyramide humaine.

- Vous m’étranglez, haleta Jack.

Samantha s’excusa, confuse, puis parvint enfin à se redresser et à atteindre la fenêtre. Elle bascula sur la corniche et roula sur un parquet de bois. Un bruit sourd la fit sursauter, en se penchant à la fenêtre elle constata que Jack avait perdu l’équilibre et s’était effondré dans les feuilles mortes.

- Vous voulez me tuer ? reprocha-t-il à Teal’c tout en remontant sur ses épaules.

Le major s’empressa de sortir la corde de son sac et l’envoya à ses coéquipiers. Jack l’attrapa et remonta le long du mur. De son côté, Samantha agrippa la corde de toutes ses forces, elle n’était pas une adepte des poids et altères mais pour rien au monde elle n’aurait laissé tomber le colonel, son colonel. Elle l’aida à passer la fenêtre puis ils unirent leurs forces pour permettre à Teal’c de monter les rejoindre.

- Bon travail, félicita Jack en se passant la main sur le front.

- Du très bon travail oui, confirma un garde dans le fond de la pièce en ricanant, une arme pointée sur les intrus.

* * *

- Avancez, grogna un garde en enfonçant son arme dans le dos de Jack.

A la queue leu leu, les trois prisonniers furent introduits dans une immense salle. Des lustres de cristal pendaient au plafond et des peintures magnifiques ornaient les murs. Mais le plus impressionnant était le trône en or massif serti de dizaines de pierres précieuses dans lequel était royalement installé Daniel. Il posa sur eux un regard condescendant et sourit légèrement.

- Les terriens, finit-il par dire. Vous êtes moins stupides que je ne le croyais puisque vous m’avez retrouvé.

- Bon, commença Jack, cher... cher... Bein comment on doit vous appeler d’abord ?

- Cela fait deux millénaires que je me suis emparé de l’identité de Cléopâtre, et je compte bien la garder.

- Cléopâtre... Si on m’avait dit qu’un jour je m’adresserai à Daniel en l’appelant Cléopâtre... Quoi qu’il en soit, chère Cléopâtre, donc, euh, je condescends à vous laisser la vie sauve si vous nous rendez Daniel et que vous nous laissez repartir.

Le Goa’uld se mit à rire. Il se leva dans un frou-frou de vêtements princiers puis s’approcha de la ligne des prisonniers agenouillés. Il s’arrêta devant Samantha puis, le regard plongé dans celui de la jeune femme, il s’adressa au colonel.

- Vous avez soulevé un point important. J’ai toujours été dans le même corps, celui d’une femme, et je ne compte pas garder celui de votre ami. Mes gardes réunissent en ce moment même toutes les femmes du village pour que je choisisse mon nouvel hôte.

Il tendit ensuite la main vers Samantha et la força à relever la tête.

- Peut-être te choisirais-je, siffla-t-il cyniquement. Je sens que tu as déjà porté un Goa’uld et je suis sûr que tu meurs d’envie de revivre cette expérience, pour l’éternité cette fois.

- Allez vous faire voir, pesta-t-elle en lui crachant au visage.

Daniel se redressa calmement, s’essuya la joue du revers de sa manche, puis frappa la jeune femme avec une telle force qu’elle s’affala sur le sol. Un garde dut retenir Jack qui avait bondi.

- Otez son symbiote au Jaffa et enfermez les humains, ils nourriront mes crocodiles ce soir, ordonna le Goa’uld en retournant s’asseoir sur son trône.

* * *

Les gardes bousculèrent Jack et Samantha dans une cellule sombre et sentant le renfermé. Le colonel trébucha sur un cadavre et se retrouva à quatre pattes sur un tas de paille défraîchie qui avait la prétention de se faire appeler un lit. Les deux militaires se distinguèrent à peine dans l’obscurité une fois que la porte fut fermée.

- Gardes ! s’exclama Samantha. Revenez ! Il fait une crise cardiaque, aidez-le !

- Et alors ? Mort ou vif, les crocodiles se régaleront tout autant. Résignez-vous à mourir et ne vous fatiguez pas à trouver des astuces inefficaces pour vous échapper, conseilla un garde.

Samantha soupira et alla s’asseoir auprès du colonel dans le coin le plus reculé de la cellule.

- Bien essayé, reconnut Jack, mais c’était pas possible. Moi je ferais une crise cardiaque ? Voyons je suis solide comme un roc... Vous ne riez pas, ça va Carter ? Ou alors c’est parce que ma blague était pas drôle du tout ?

- Non, ça ne va pas, mon colonel.

- Hé, on va s’en sortir.

- Pas cette fois, j’ai un mauvais pressentiment. On a déjà été dans des situations difficiles mais là c’est différent. L’équipe est divisée, en général on s’en tire ensemble. Là, Daniel est perdu et ils sont en train de tuer Teal’c. Il ne reste plus que nous deux... jusqu’à ce soir, et après...

- Vous n’êtes pas seule, la consola-t-il en la prenant dans ses bras.

Il déposa un baiser dans ses cheveux et lui glissa des mots rassurants à l’oreille. Il passa une main tremblante dans le dos de la jeune femme en tentant de croire aux prévisions optimistes qu’il faisait pour l’apaiser. Lui aussi se sentait impuissant mais il était de son devoir de se montrer fort, parce qu’il était colonel, mais surtout parce qu’il était conscient d’être le rempart de Samantha. Au moins, s’il mourait, il aurait eu le bonheur de passer ses dernières heures en compagnie de celle qui faisait démesurément battre son cœur, plus proches qu’ils ne l’avaient sans doute jamais été.

* * *

Trois gardes traînèrent Teal’c jusqu’à une petite salle sans fenêtre. Divers instruments de tortures emplissaient les lieux. Le Jaffa fut solidement attaché à une table tâchée de sang par endroits. Il se débattit vivement mais n’était pas de taille. Un homme au fond de la pièce préparait un récipient pour recueillir le Goa’uld tandis qu’un garde déchira le tee-shirt de Teal’c, révélant la croix qui lui barrait l’abdomen. Un prêtre Jaffa se joignit bientôt à la cérémonie. Il nettoya d’abord ses instruments. Puis la porte s’ouvrit une nouvelle fois, laissant Daniel faire son entrée.

- Allez-vous en, tous, je veux parler au Jaffa avant qu’il ne meure.

Daniel et Teal’c furent bientôt seuls dans la pièce. L’égyptologue se précipita aux côtés de son ami et le libéra de ses chaînes.

- C’est moi Teal’c, promit-il.

- Docteur Jackson ? Le Goa’uld vous a-t-il libéré ?

- Non, j’ai pris le contrôle mais ça ne va pas durer, je le sens qui lutte.

Le jeune homme sortit une zac de sous les plis de son costume et le confia à Teal’c.

- Tenez, sauvez-vous et sauvez les autres, je suis perdu de toute façon. Assommez-moi maintenant.

- Vous assommez ? demanda le Jaffa en haussant un sourcil.

- Le Goa’uld va bientôt reprendre le contrôle. Ma tête va exploser, je ne peux plus supporter la lutte. Je vous en prie, neutralisez-moi et attachez-moi sur cette table. Je ne veux pas que le Goa’uld aille dénoncer votre fuite aussitôt après votre départ.

Teal’c hésita brièvement puis colla un poing à Daniel, l’envoyant s’écraser contre le mur derrière lui. Le Jaffa remarqua trop tard qu’il aurait pu utiliser la zac. Il ne perdit pas de temps, attacha le jeune homme inconscient sur la table, puis s’éclipsa discrètement. Il allait devoir fouiller tout le palais pour retrouver Jack et Samantha.

* * *

Les deux militaires étaient enfermés dans la même cellule depuis plus de trois heures. Ils avaient épuisé tous les sujets de conversation et ne savaient plus comment faire taire la peur et l’angoisse. Pourtant, il restait bien un sujet qu’ils n’avaient pas encore abordé...

- J’ai une question, dit Jack. Imaginez que pendant toute votre vie on vous a interdit de manger des glaces à cause d’une maladie quelconque.

- Je ne pense pas qu’une telle maladie...

- Oubliez la science deux minutes, l’interrompit-il. Donc vous n’avez pas le droit de manger de glaces et pourtant vous adorez ça. Seulement un jour vous apprenez qu’il ne vous reste que vingt-quatre heures à vivre. Que feriez-vous ?

- Eh bien j’en profiterais pour me goinfrer de glace. Pourquoi cette question ?

- Mais et si jamais ça n’est pas sûr que vous allez mourir ? S’il y a encore une chance. Disons cinquante-cinquante.

Samantha le regarda d’un air incompréhensif, elle s’apprêtait à rire de ses suppositions étranges lorsqu’elle lut dans ses yeux. Elle comprit qu’il ne s’agissait pas le moins du monde de glace, il parlait d’eux.

- J’aime trop la glace pour y renoncer, affirma-t-elle. Il faut profiter de la vie et ne pas se laisser manipuler par des lois morales ou des devoirs envers les autres. Imaginez que vous ne vous décidiez jamais et que nous mourions sans jamais avoir... mangé de glace.

- De la glace ? Ah oui on parlait de glace ! se rappela-t-il.

Samantha eut un petit rire qui attendrit le colonel. Il sourit à son tour et lui caressa la joue.

- Et c’est quoi votre parfum préféré ? murmura-t-il à son oreille avant de l’embrasser.

La seule réponse fut le baiser en retour de la jeune femme. Ils s’allongèrent sur la paille défraîchie mais ni l’odeur pestilentielle de la mort ni la vétusté des lieux n’auraient pu gâcher l’intensité de ce moment qu’ils attendaient et qu’ils redoutaient tous deux depuis la première fois que leurs regards s'étaient croisés. La main du colonel glissa sous le tee-shirt de Samantha tandis que les lèvres de la jeune femme parcouraient le torse de son bien-aimé. Soudain, ils sursautèrent simultanément en entendant le bruit d’une clef dans la serrure. Ils réajustèrent nerveusement leurs vêtements et retirèrent la paille de leurs cheveux. Trois ombres apparurent à la porte, l’une d’elle s’effondra comme une masse sur le sol poussiéreux de la cellule puis les deux autres disparurent à nouveau derrière la porte refermée. Jack s’agenouilla auprès du corps inerte et tenta de discerner les traits de son visage.

- Daniel ? s’exclama-t-il. Faut toujours qu’il arrive au mauvais moment celui-là.

Samantha rejoignit les deux hommes et s’assit aux côtés du colonel.

- Pistache, dit-elle.

- Qu’est-ce que vous dites ?

- Mon parfum de glace préféré, c’est la pistache.

Jack lança un regard affecté à la jeune femme puis il sentit que Daniel commençait à bouger.

- Major, colonel... C’est vous ? articula difficilement l’égyptologue.

- Oui, répondit Samantha. Vous allez bien ? Que s’est-il passé ?

- Le Goa’uld a choisi un nouvel hôte, et moi je serai le dîner des crocodiles, tout comme vous...

* * *

Teal’c examina le couloir à sa droite, il n’y avait qu’un seul garde assoupi sur un tabouret. A pas feutrés il s’approcha de l’individu et lui assena un coup de zac. L’homme avait un trousseau de clefs à la ceinture et il gardait l’entrée d’un long couloir : le quartier des prisonniers. Teal’c s’empara des clefs et se hâta d’ouvrir la porte. Il appela ses amis jusqu’à ce que Jack lui réponde derrière une porte. Après quelques essaies de clef, les trois terriens furent enfin libres.

- Content de vous voir, dit le Jaffa avec flegme.

Jack fut plus démonstratif et serra Teal’c en lui tapotant dans le dos.

- On a failli attendre. Oh, euh, vous pouvez porter Daniel ? Il est un peu cassé.

Teal’c s’apprêtait à installer Daniel sur son épaule, un peu comme un sac de pomme de terre, lorsque le jeune homme se releva et recula avec un sourire forcé.

- Non non, le colonel exagère, je vais bien. Je peux marcher tout seul.

Teal’c n’insista pas, ce devait encore être une blague du colonel qu’il ne pouvait pas comprendre. L’humour terrien était décidément bien obscur. SG-1 à nouveau au grand complet se mit en quête de la sortie, Teal’c en tête et Daniel boitant à l’autre bout. Le Jaffa, qui avait passé près de trois heures à sillonner les allées du palais à la recherche de ses amis, avait déjà repéré les grandes doubles portes de sortie. Quatre gardes bloquaient le passage. Teal’c n’eut pas trop de mal à les éliminer mais l’alerte fut malgré tout donnée. SG-1 se précipita dans la forêt sous les hurlements rageurs de Cléopâtre et de son nouvel hôte. Quelques tirs sifflèrent aux oreilles des fuyards qui disparurent derrière les arbres. Au grand dam du colonel qui avait horreur des pentes et de Daniel qui était blessé, ils furent contraints de monter puis de redescendre la montagne au pas de course. Poursuivis par des Jaffas en lourdes armures, ils traversèrent le village. Les habitants s’enfermèrent dans leurs maisons, terrorisés. SG-1 parvint à semer les Jaffas. Mais ils n’allaient pas tarder à être repérés à nouveau. Ils durent une nouvelle fois escalader la falaise qui menait à la porte des étoiles. Soulagé d’être enfin arrivé à destination, Daniel se rua sur le tableau de commande.

- Attendez ! s’exclama Samantha. On ne peut pas retourner sur Terre, on n’a pas de transmetteur de code.

- Alors j’entre les coordonnées de la planète Tolla, ils pourront nous renvoyer chez nous.

La porte s’ouvrit et inonda de lumière la petite grotte. Les quatre amis disparurent ensuite dans le vortex, laissant derrière eux des Jaffas à leur recherche et un Goa’uld enragé qui ne demandait qu’à se venger.

* * *

DE RETOUR SUR TERRE

APRES DE NOMBREUSES PIQURES ET ANALYSES

Jack poussa la porte et entra dans la salle de contrôle. Il saisit une chaise au passage et alla s’asseoir à côté de Samantha qui pianotait sur le clavier d’un ordinateur.

- Alors major, tout va comme vous voulez ?

- Je viens de modifier tous les codes d’accès, on ne peut pas prendre le risque que ce Goa’uld vienne nous attaquer en utilisant la mémoire de Daniel.

- Mmm. Et vous ça va ? Je reviens de l’infirmerie et...

- J’ai l’impression que vous essayez de me dire quelque chose mais que vous n’y arrivez pas.

- J’essayais juste d’être courtois, de faire la conversation... D’accord, j’ai compris, on vous la fait pas à vous. En fait, c’qu’il y a c’est que... pfff.

- C’est que... ? l’encouragea-t-elle, pleine d’espoir.

- Tout à l’heure on fera le debriefing et je crois qu’il y a un passage que le général n’a pas besoin de connaître, si vous voyez ce que je veux dire.

- Je comprends, Jack, il faut rester discret.

- Très bien, dans ce cas on oublie cette histoire et on fait comme s’il ne s’était rien passé !

Samantha resta muette de surprise, elle s’était attendue à ce qu’il reconnaisse enfin les liens qu’ils avaient tissés. Sans doute n’étaient-ils pas encore prêts, mais le seraient-ils jamais ? Elle se refusait à prendre les devants, au lieu de la pousser à persévérer, la réaction du colonel l’encourageait à résister. Ils avaient tous deux peur d’être le premier à révéler ce qui pour un militaire était considéré comme une faiblesse, et ils étaient l’un comme l’autre trop fier pour faire le premier pas. Leur amour devait d’abord passer par une lutte.

- On pensait qu’on allait mourir, poursuivit Jack, ça aurait pu arriver à n’importe qui.

- Je vais voir le docteur Fraiser à l’infirmerie, mon colonel, informa la jeune femme sur un ton très officiel.

Puis elle quitta la pièce, laissant Jack seul avec son sentiment de culpabilité. Il savait qu’il avait blessé le major et il le regrettait, mais c’était là le seul moyen qu’il avait trouvé pour consolider le mur qui les tenait à l’écart l’un de l’autre. Il soupira en espérant que la distance que prenait Samantha lui permettrait de ne pas céder à ses propres sentiments puis il partit sur les traces de la jeune femme en direction de l’infirmerie. L’ambiance était au point mort là-bas aussi. Daniel, Teal’c, Samantha et le docteur Fraiser étaient réunis autour du lit de Cléopâtre, cette dernière était mourante. Ses cheveux étaient gris et son visage ridé, mais même dans la vieillesse elle avait toujours ce charme mystique qui avait fait sa renommée à travers les siècles.

- Ca n’a pas l’air d’être la fête, constata Jack.

- Je vais mourir, l’informa Cléopâtre d’une voix faible.

- J’aurais tellement aimé pouvoir discuter plus longtemps avec vous, se désola Daniel en prenant la main de l’ancienne reine. J’ai passé ma vie à étudier la vôtre et vous voilà devant moi. Je suis vraiment navré que nous ne puissions rien faire pour vous soigner.

- Ce n’est pas grave, cela fait plus de deux millénaires que j’ai pris la décision de mourir, rappela-t-elle en égyptien. Je suis enfin libérée de l’emprise du démon, ces nombreuses années ont été pires que l’enfer, je ne peux être que soulagée et heureuse maintenant. L’Egypte m’attend.

Elle esquissa un dernier sourire puis perdit conscience. C’en était définitivement fini de Cléopâtre la belle, dernière reine d’Egypte. Daniel énonça une ancienne prière égyptienne tandis que Jack posa la main sur l’épaule de Samantha. Il avait subitement une irrésistible envie de glace, la vie était trop courte et décidément si fragile lorsque l’on travaillait au SGC.

 

Février 2001