Les hoplites
Auteur : Xeen
e-mail : Xeen67@hotmail.com
http://communities.msn.fr/Forcryingoutloud
statut : complet
genre : aventure
spoilers : entre Nemesis et Small Victories
disclaimer : les personnages sont la propriété de MGM, ShowTime, Gekko Productions… Je ne perçois aucune rémunération pour écrire cette fanfiction.
Ne pas publier sans mon accord !
Et comme toujours, vos commentaires sont les bienvenus ;-))
" Carter ? Teal'c ! Pas de bobo ? " s'exclama O'Neill qui se relevait d'une cascade acrobatique. Apparemment, ils avaient franchi la porte de P4X234 à une vitesse terrifiante, expulsés par le souffle de l'explosion qui avait balayé le vaisseau Asgard. La capsule de Thor flottait en contrebas, intacte.
Sam secoua la tête et compta ses abattis.
" Tout va bien mon colonel. "
" Je suis en parfaite condition. " ajouta Teal'c qui examinait le paysage. " Il semblerait que notre mission ait été un succès. "
" Je l'espère bien Teal'c ! " grimaça O'Neill. " Est-ce qu'il vous est venu à l'idée à tous les deux que nous risquions d’être coincés sur cette planète un petit moment ? "
" Certainement mon colonel, commenta le major Carter qui époussetait son treillis, " le SGC doit d’abord mettre en service la porte des étoiles bêta et, sans mon aide, le sergent Siler ne devra compter que sur lui-même… ". Elle hocha la tête.
" Il y parviendra O'Neill. N’ayez pas d’inquiétude. Le sergent Siler a fait ses preuves, " commenta le Jaffa.
" Je n’ai aucune inquiétude Teal’c, " dit O’Neill en lançant un regard aigu au major, " mais je n’ai pas non plus envie de moisir ici. Combien de temps, à votre avis, Carter ? " grinça le colonel. Il assénait des claques vigoureuses sur ses jambes de pantalon faisant jaillir des nuages de poussière.
" Je dirais quinze jours, mon colonel. Peut-être plus. " avoua Carter.
" Quoi !! Vous voulez rire ! On n'a même pas apporté un Monopoly ! " s’écria Jack.
Un éclair blanc interrompit leur échange. La capsule de Thor avait disparu.
" Et bien, on peut dire que les petits camarades de Thor ne perdent pas de temps ! Hé, là-haut !? On est là ! " s’époumona Jack en agitant comiquement les bras. " C'est pas vrai ! Ils nous abandonnent ici ? Carter, la prochaine fois, rappelez-moi de leur dire de se débrouiller tout seuls ! "
" Thor est entre la vie et la mort, monsieur. Nous ne sommes même pas blessés, " hésita Carter. " N'est-ce pas ? "
" Ouais, " reconnut Jack. " Je disais ça comme ça… Vous croyez qu'on a réussi à détruire ces crabes major ? "
" Cela est fort probable O'Neill. " répondit Teal’c d’un air serein.
" Comment ça probable ? "
" Sinon, espérons qu'ils se noieront, mon colonel ! " le rassura Sam.
" Et, c'est tout ? " dit Jack platement.
" Heu… Oui, mon colonel. " dit Carter abîmée dans la contemplation des ses rangers.
" C'est rassurant ! Si jamais le NID fourre son nez dans cette affaire, on peut s'attendre à des retombées désagréables ! " commenta Jack.
" Je ne m’inquiète pas de l’action du NID, mon colonel. Le général Hammond les tiendra à distance. La réaction des russes me préoccupe davantage. "
" Les russes ? La guerre froide est finie Carter, vous n'êtes pas au courant ? La chute du mur, vous savez ? " grimaça O’Neill.
" Comment croyez-vous qu'ils auront interprété la présence du vaisseau Asgard quand il est rentré dans l'atmosphère ? " soupira Carter. " Et son explosion au-dessus de l’Atlantique ? "
" Bah, c'est l'affaire du Pentagone ! Qu’ils s’en débrouillent ! Moi je mangerais bien un morceau ! Pas vous ? "
" Si. " reconnut Sam avec un petit sourire. Jack ne perdait jamais l’appétit.
" Alors, il faudra chercher un village, O'Neill. Je doute que le major ait emporté autre chose que le GDO. " ajouta le Jaffa.
" Carter ? Dites-moi qu’il a tort. "
" Teal'c a raison, mon colonel. Je pourrais composer des adresses mais je ne suis pas sûre de l’accueil que nous recevrons. "
" De mieux en mieux! Vous désobéissez à un ordre direct et vous vous téléportez sur le vaisseau de Thor les mains dans les poches ? "
" Je n’avais pas prévu ça mon colonel. " se défendit Sam.
" Teal'c, c'est vous qui nous avez entraînés ici ! " s ‘énerva le colonel. " Où sommes-nous ? A part sur P4 machin-chouette ! "
" Nous sommes sur P4X234, O'Neill. Il était prévu que nous visitions cette planète à notre retour de vacances. Je suis déjà venu sur ce monde. Avec Apophis. Les habitants sont très hospitaliers. "
" Et c'est censé me rassurer ? "
" Oui. "
" Bon, si vous le dites Teal'c ! Alors, quelle direction ? "
" Par ici O'Neill. Je crois."
" Vous croyez ? " protesta le colonel.
Teal’c ne prit pas la peine de répondre et commença à marcher en direction de l’ouest.
" Le vaisseau de Thor s'est désintégré ! " hurla le technicien.
" SG-1 ? " s’inquiéta Hammond.
" Je ne sais pas mon général… "
Daniel regardait les écrans de contrôle fixement. Il blêmit, autant de douleur que d'angoisse et de culpabilité.
Parce qu'il était cloué à l'infirmerie à cause d’une stupide appendicite, il assistait en direct à la perte de ses compagnons. Pourquoi n'était-il pas avec eux en train de sauver le monde ?
La voix posée du major Davis le sortit de sa rêverie.
" Nous allons analyser toutes les données, mon général. Je vous promets que nous en saurons plus dès demain ! "
" Je l'espère bien, " aboya le général Hammond qui se pencha vers le micro pour ajouter à l'adresse du technicien qui faisait des relevés dans la salle d'embarquement. " Quand la porte bêta sera-t-elle opérationnelle, sergent Siler ? "
" Pas avant une quinzaine de jours, mon général. "
" Très bien ! Je vous donne une semaine, pas un jour de plus ! "
La voix de Hammond claqua comme un coup de fouet.
Daniel le regardait pensivement. Il commençait à comprendre les recommandations et les hésitations du général avant de chacune de leurs missions.
La cité blanche s’étirait dans la vallée. Les murs blanchis à la chaux des maisons aux toits de tuiles rouges réverbéraient violemment la lumière du soleil au zénith.
Une foule bigarrée déambulait dans les rues. Sur la place du marché, les marchands haranguaient le chaland. Des cris et des exclamations joyeuses résonnaient de toute part. Les enfants qui couraient en bousculant les étals ne prêtèrent aucune attention au détachement d’hommes lourdement armés qui traversa la place. En rang par deux, coiffés de casques en bronze, les tibias protégés par des jambières en métal repoussé, un bouclier rond au bras gauche, une lance acérée dans la main droite, la douzaine d’hommes marchait au pas en faisant voleter la courte jupette en cuir qui leur couvrait le haut des jambes.
La population avait un type méditerranéen très marqué. Les femmes, joliment bronzées, les bras nus, portaient de longues tuniques plissées attachées à l’épaule par des fibules dorées. La plupart avaient une épaule nue, certaines tuniques découvrant un sein. Leurs cheveux d’un noir bleuté cascadaient dans leur dos. Les fronts des hommes et des femmes étaient ceints de liens en cuir ou de rubans recouverts d’application de métal brillant ou de petites pierres qui étincelaient au soleil. Tous portaient des sandales plates attachées haut sur la jambe.
Les légumes colorés et les tissus chamarrés formaient une peinture chatoyante et la joie de vivre était manifeste.
SG-1 avança en rang serré. C’est à peine si les indigènes les regardaient.
" C’est bien notre chance, " murmura O’Neill en reluquant les poitrines dénudées, " que Daniel ne vous ait pas suivi. Une idée Carter ? "
" On dirait la Grèce antique, mon colonel, " décida Carter.
" Les Goa’Ulds semblent avoir déserté ce monde, " dit Teal’c sobrement. " Lors de ma dernière visite, les habitants se dissimulaient dans les maisons à chaque activation de la porte. "
" Vous devez avoir vu juste, Teal’c, " acquiesça Carter, " ces gens ne donnent pas l’impression d’une population apeurée qui se terre dans des cachettes. Le commerce se porte bien. Et l’agriculture aussi, " ajouta-t-elle en désignant la profusion de fruits et des légumes mis en vente.
" Et les soldats qui viennent de passer ? " interrogea le colonel, une main posée sur son arme, les sourcils froncés au-dessus de ses lunettes de soleil.
" La police locale, sans doute, " répliqua Carter sans hésiter en haussant les épaules.
" Espérons-le. " grommela O’Neill en secouant la tête. " Si seulement je n’avais pas aussi faim ! "
" Trouvons leur chef et expliquons-lui notre situation. " proposa le Jaffa qui s’écartait au passage d’une horde de gamins déchaînés. " Ils pourront sans doute nous permettre de nous restaurer.
" Et comment faites-vous ça Teal’c ? " demanda le colonel qui commençait à s’impatienter.
" J’ai le souvenir de l’endroit où siégeait leur conseil, " affirma Teal’c en saisissant un enfant par l’épaule et en le foudroyant du regard avant de le relâcher. Le gamin se remit à courir sans demander son reste en jeter des coups d’œil au Jaffa par-dessus son épaule. " Ce n’est pas très loin. Je vais vous y conduire. " ajouta-t-il en fendant la foule, totalement indifférente à leur présence. "
" Mon colonel, ces gens sont habitués à voir des étrangers. Ils ne manifestent aucune surprise en nous voyant, " dit Sam en suivant Teal’c.
" J’espère que leurs soldats ne feront pas preuve d’hostilité à notre égard Carter. " répondit O’Neill. " Ils n’ont que des armes primitives, mais je préférerais ne pas avoir à les affronter. " conclut-il en leur emboîtant le pas.
Sam regardait les passants pendant que O’Neill surveillait la porte par laquelle Teal’c était entré, deux heures auparavant.
Il ne pouvait dissimuler son agacement. Sam restait complètement sereine, mais lui subissait le contrecoup de son combat contre les réplicateurs. Il voulait bien admettre que sans l’intervention de Carter et Teal’c, son sort était scellé. Mais il faudrait qu’il arrive à convaincre son second de respecter ses ordres. Pour cette fois, apparemment, ils avaient suivi les ordres de Hammond, mais l’attitude de Carter risquait de les entraîner dans une catastrophe. Il était temps qu’elle obtienne son propre commandement. Non seulement elle le méritait, mais cela lui permettrait de prendre les décisions qui s’imposaient en cas de crise sans s’opposer à son supérieur.
Il la regarda du coin de l’œil. Parfaitement calme et maîtresse d’elle-même. Sans compter que sa promotion romprait la chaîne de commande. Enfin presque. Puisque théoriquement, il restait l’officier supérieur référent du SGC. Il lui serait seulement plus facile de contourner la réglementation. Il y a vingt ans, ça ne l’aurait pas gêné, même dans la configuration actuelle. Mais il refusait de mettre en danger la carrière de Carter. Il soupira, se rendant compte qu’il était en train de tirer des plans sur la comète. Ne mets pas la charrue avant les bœufs, se dit-il.
Mais l’idée germait dans son esprit. Absorbé par ses rêveries, les yeux dans le vide, il manqua le retour du Jaffa.
" La sophê a accepté notre requête. Elle nous donne asile au nom de la cité de Delphos pour la durée que nous désirerons. Des appartements privés vont être mis à notre disposition immédiatement, " ajouta le Jaffa en désignant les deux servantes qui l’accompagnaient.
" Et c’est tout ? "
" Il semblerait que sa décision doive être soumise à l’approbation de la boulê, mais l’issue du vote ne fait aucun doute. " assura Teal’c. " J’ai déjà eu l’occasion de rencontrer la sophê quand j’étais Primat d’Apophis. C’est une femme droite. Et si tel est son bon vouloir, peu s’y opposeront. " dit Teal’c en inclinant la tête en direction des deux jeunes femmes. " La sophê désire n néanmoins en préambule rencontrer le major Carter. " expliqua Teal’c. " Il semblerait que la garde hoplite lui ait fait parvenir un rapport sur notre arrivée et elle a exprimé sa surprise quand je lui ai expliqué que le major était un grand soldat dans notre monde. "
" J’y vais mon colonel. " annonça Carter.
" Je vous accompagne. "
" C’est impossible O’Neill. La sophê a demandé à voir le major Carter seule à seule. "
" C’est hors de question. " s’écria Jack.
" Ne vous inquiétez pas mon colonel. " dit Carter avec un sourire rassurant. " Je n’ai pas grand chose à craindre. Si les choses tournaient mal, vous pourriez intervenir avec Teal’c, " suggéra-t-elle.
" Le major Carter ne court aucun danger O’Neill. Je vous l’assure, " confirma Teal’c.
" Bon. Mais si ça tourne mal, Carter, vous appelez, ok ? "
" Pas de problème mon colonel, " dit Sam avec un sourire éclatant. Le colonel se préoccupait beaucoup trop de sa sécurité sur le terrain.
Depuis que O’Neill avait passé ces quelques mois sur Edora, l’attitude du colonel à son égard avait beaucoup évolué. Daniel avait passé de longues heures à discuter avec Jack. Il lui avait parlé de la détermination dont elle avait fait preuve pour le secourir et certainement Janet n’avait pas pu tenir secret le fait qu’elle avait explicitement avoué qu’il lui manquait… beaucoup. A leur retour au SGC, elle demanderait à Hammond à être transférée dans une autre équipe SG. Leurs sentiments risquaient de mettre en péril la sécurité de SG-1. Puisqu’ils avaient sauvé la Terre de la menace des réplicateurs, peut-être même Hammond lui accorderait-il enfin son propre commandement.
La fraîcheur à l’intérieur du bâtiment contrastait avec la chaleur poussiéreuse de la rue. Sam poussa un petit soupir de surprise. La salle dans laquelle l’avait guidée les deux femmes était ornée de bas-reliefs typiquement grecs, de la haute époque, pensa-t-elle en détaillant les thèmes évoqués sur les murs. Elle prit mentalement des notes, pour pouvoir rapporter ses observations à Daniel. Des rondes de personnages dansaient, buvaient et servaient le vin. Sur un autre mur, on voyait les hommes moissonner, sous le regard bienveillant des dieux. Un bruit la fit tressaillir et elle se retourna pour se trouver face à face avec une femme de petite taille, très brune, le visage marqué par l’âge, mais dont le regard acéré démontrait la position et la force de caractère.
" Heu… Bonjour. Je suis Samantha Carter, " dit-elle en salua de la tête, vaguement embarrassée par ce regard.
" Le Jaffa m’a dit que vous étiez une grande combattante de votre peuple Samantha, " affirma la sophê.
" Oui. Dans notre culture, les femmes ont le droit de faire la guerre, comme les hommes, " expliqua Carter, en essayant de se substituer à Daniel.
" Elles en ont le droit aussi dans notre culture, " répliqua la vieille femme, " mais elles préfèrent s’occuper du gouvernement de la cité et laisser les hommes combattre. C’est la raison pour laquelle notre peuple n’a pas connu de guerre depuis des centaines d’années, " expliqua la sophê en souriant. " Asseyez-vous, nous allons lever nos coupes à l’alliance de nos deux mondes contre la menace des faux dieux. " continua-t-elle à la grande surprise de Sam. " Et vous trouver des vêtements plus seyants. Vous êtes une très belle femme Samantha, et ces vêtements ne font pas hommage à votre beauté. Votre… colonel, " elle hésita sur le mot, " votre colonel en prendra-t-il ombrage ? "
" Non, " répondit Sam en souriant, " de toute façon, techniquement, nous sommes en vacances, " ajouta Sam en haussant les épaules.
" Qu’il en soit donc fait ainsi, " dit la sophê en frappant dans ses mains.
Deux autres jeunes femmes apparurent avec des plateaux de fruits et des carafes d’étain.
" Mais, d’abord, buvons, et racontez-moi votre vie, Samantha Carter, " dit-elle sur un ton sans réplique.
Jack faisait les cent pas dans la petite pièce où lui et Sam avaient été conduits.
Teal’c leur avait faussé compagnie. Il connaît bien mieux ce monde qu’il ne veut nous l’avouer, pensait Jack. Il a filé comme un voleur dès qu’il a aperçu ce groupe de pugilistes qui montaient vers l’acropole. Apparemment, ils avaient même l’air très copains. Jack n’appréciait pas du tout la plaisanterie. Passe encore que son pote asgard lui gâche ses vacances, passe que Carter désobéisse à ses ordres, ce n’était pas la première fois, mais que Teal’c se conduise de la sorte est pour le moins inattendu, se dit-il en consultant machinalement sa montre. Il n’avait aucune idée de la durée du jour sur ce monde et sa montre ne l’aidait en rien. En revanche son estomac criait famine. Il se décida à frapper à la porte de Carter. Aucune réponse. Il décida de passer outre et entra.
" Alors Carter, vous êtes décente ? " déclara-t-il en franchissant le seuil une main sur les yeux. Seul un discret ronflement lui répondit.
Les heures de veille, le stress et le vin de la sophê avaient accompli leur office. Les bras en croix, allongée en travers du lit, Sam dormait du sommeil du juste.
Il la considéra avec surprise. Sam ne l’avait pas habitué à un tel comportement. Au nom du ciel, pensa-t-il en s’approchant silencieusement, pourquoi l’ont-ils accoutrée de la sorte ? Il sourit en se souvenant de l’air piteux de son second quand elle était enfin sortie de son entretien avec la chef du village. Une fine tunique blanche plissée, ceinturée à la taille, découvrait ses jambes à mi-cuisses et ses épaules. Elle avait l’air si différente de la Carter qui avait franchi le seuil, quelques heures plus tôt. Jack s’était dressé sur ses pieds, sifflant doucement son approbation entre ses dents. Comme d’habitude, Teal’c n’avait fait aucun commentaire. Carter avait conservé son arme. Cet objet paraissait totalement incongru entre ses mains. Elle l’avait regardé droit dans les yeux, le mettant au défi de dire quoi que ce soit. Evidemment, il avait passé outre cet avertissement. Elle avait tourné les talons sans lui répondre et avait expliqué à Teal’c la suite du programme comme s’il n’existait pas. Si elle croyait le vexer, elle se trompait ! avait-il pensé en les suivant à distance. Teal’c avait raison. Cet endroit était absolument sans danger. Et ils étaient là pour deux semaines au moins. Autant profiter de l’occasion pour y passer de vraies vacances.
Sans s’en rendre compte, il était arrivé au pied du lit. Une brise douce soulevait les tentures légères qui voilaient la fenêtre ouverte. En dépit de la chaleur, il frissonna. Qu’est-ce que tu fais mon vieux, laisse-la dormir. Elle le mérite bien. Il se pencha pour la couvrir et sa main effleura sa jambe. Carter se réveilla instantanément et se mit sur son séant, en clignant des yeux.
" Mon colonel ? J’ai dormi longtemps ? " demanda-t-elle sans s’étonner de sa présence.
" Carter, je me demandais si nous ne pourrions pas manger un morceau, " dit-il en reculant d’un pas les mains dans les poches, le regard incertain.
" Il va y avoir un banquet en l’honneur de notre arrivée et de notre alliance, mon colonel, " répondit Sam en s’étirant malgré elle.
Jack tenta de rester de marbre, mais un léger rictus déforma sa bouche. Est-ce qu’elle a oublié qu’elle n’a que ce mouchoir sur elle ? s’énerva-t-il. Il se détourna, écarta la tenture et fit mine de regarder le paysage par la fenêtre ouverte. " Vous saviez que la mer est juste à côté ? " commenta-t-il sans attendre réellement une réponse à sa question. " Je me demande s’ils pêchent par ici. Ca fait une éternité que je ne suis pas allé à la pêche au gros. "
Un glissement de pieds nus et un souffle sur son cou l’avertirent que Sam l’avait rejoint.
" C’est magnifique mon colonel, " dit Sam à mi-voix. " Si nous allions faire un tour sur la plage ? " proposa-t-elle.
" Pourquoi pas ? Je trouverais peut-être un coquillage ou du varech à me mettre sous la dent avant de tomber d’inanition, " plaisanta Jack.
" Oh… J’ai oublié de vous dire. Il suffit d’appeler, " dit Sam en sortant de la pièce. Il l’entendit ouvrir l’autre porte et parler à quelqu’un dans le couloir. Elle revint près de lui et fit quelques pas sur la terrasse en sautillant sur la pointe des pieds. " C’est brûlant ! " s’exclama-t-elle. " Venez voir, d’ici la vue est extraordinaire ! "
Il admit à contre cœur qu’elle avait raison. Il s’étonnait de la transformation de Sam. Elle avait laissé de côté sa rigueur toute militaire. Elle saisit sa main et l’entraîna au bord de la terrasse. Une falaise à pic bordait la cité à l’est. Au delà, la mer miroitait dans un dégradé de turquoise et scintillait sous le soleil couchant. " Je suis désolée de m’être endormie mon colonel. "
" Ce n’est rien Carter. Mais je commençais à perdre patience. Teal’c ne revient pas et ces deux filles dans le couloir ne font que ricaner quand je leur adresse la parole. "
" Elles doivent croire que vous êtes mon esclave, " sourit Carter. " Les hommes n’occupent pas la même place dans leur société. Daniel dirait sans doute que c’est une structure matriarcale. Mais je pencherais plutôt pour quelque chose de plus drastique. On dirait que ces femmes sont les descendantes des amazones. "
" Et ? "
" Et bien, les hommes sont confinés aux tâches matérielles comme l’agriculture, la chasse, le pêche, le maintien de l’ordre. Mais si j’en crois la sophê, il règne ici un ordre parfait, et ils sont là plus pour le décorum. Ce sont les hoplites que nous avons vu parader sur la place du marché. " expliqua Sam.
" La sophê ? Les hoplites ? "
" La sophê… je pense que cela signifie celle qui est sage. C’est elle qui préside la boulé, l’assemblée. Ils possèdent une démocratie basée sur l’ostracisme, comme dans la Grèce antique. Sauf que cet ostracisme s’applique essentiellement aux hommes, mon colonel. Par exemple, le mariage n’existe pas et les enfants sont élevés dans des communautés.
" Oh, oh… pas si vite ! " s’exclama Jack. " En quoi cela me concerne-t-il ? "
" Je suppose qu’à Rome on doit vivre comme les romains, mon colonel, " répondit Sam en souriant, le dos tourné au soleil qui rasait maintenant l’horizon. A sa grande détresse, vu leur présent sujet de conversation, Jack se rendit compte que la tunique était réalisée dans un tissu très fin. Complètement déstabilisé, il essaya une plaisanterie sans pouvoir détourner son regard des formes parfaites de son second.
" Vous voulez dire en Grèce vivez comme les grecs major, " dit-il sans conviction.
" Cet endroit s’appelle Delphos, mon colonel, " poursuivit Sam. " Ce qui fait des habitants de delphiniens, je suppose, " ajouta-t-elle en réfléchissant.
Un bruit de plateau et de verre détourna son attention. " Le dîner est servi, mon colonel, si vous voulez me suivre, " dit-elle en le prenant par le bras. Il se laissa entraîner sans résistance. Ces deux semaines allaient durer une éternité. Il retrouva un semblant de moyens en voyant la nourriture qu’avaient déposée les deux jeunes femmes. Mais ça ne dura qu’une minute. Elles se tenaient dans un coin de la pièce et échangeaient des regards mutins. Des éclats de rire ponctuaient leurs murmures.
" Elles pensent que je vous ai choisi pour compagnon de lit, mon colonel ", crut bon d’expliquer Sam. " Je crois aussi qu’elles aimeraient bien en faire autant quand j’en aurais fini avec vous, " dit-elle en congédiant les deux filles qui s’enfuirent en riant de plus belle. " Ce monde est très accueillant et de nombreux couples viennent y passer leur lune de miel ou tenter des expériences… vous voyez ce que je veux dire mon colonel, " souffla-t-elle le rouge aux joues.
" C’est Risa. "
" Risa ? "
" Risa… dans Star Trek ? " glissa le colonel.
" Oh, excusez-moi. Oui, on pourrait voir les choses de cette manière. Mais non, pas tout à fait mon colonel. Ici, ce sont les hommes qui… "
" D’accord, je comprends, " l’interrompit O’Neill. " Après tout, pourquoi pas. "
" Je suis contente que vous compreniez mon colonel. Je suis persuadée que le plus simple sera de se comporter comme elles l’attendent de nous et tout se passera bien, " le rassura Sam.
" Eh là ! Je n’ai pas l’intention de jouer à l’étalon pour la population féminine de Del… machin truc ! "
" Il suffira de faire semblant. "
" Je ne suis pas sûr de vous suivre major. Ce genre de… choses… enfin… Je ne vois pas comment je pourrais faire semblant ! " s’insurgea O’Neill dont l’appétit avait été coupé net.
Sam éclata de rire. " C’est pourtant simple , mon colonel. Si vous êtes mon esclave sexuel, vous êtes aussi ma propriété. Il faudrait que je vous loue, ou que je vous vende. C’est aussi simple que ça. Vous n’avez rien à craindre ! "
" Votre esclave quoi ? " s’écria Jack, " vous voulez rire Carter ! " Devant la rougeur qui montait au front de Sam, il se reprit. Après tout, ce pouvait être amusant de jouer le jeu et de se plier aux coutumes de l’endroit. " Vous n’avez pas besoin de m’acheter pour que je sois votre esclave, " affirma-t-il d’un air très sérieux en se penchant vers elle. Sam pâlit. " Je plaisante Carter ! Allez, venez manger. J’ai une faim de loup. "
Teal’c, qui avait renoué à Delphos de vieilles amitiés, avait déjà participé à plusieurs combats quand il s’assit sur les bancs de pierre qui encerclaient l’arène.
Cette fois, ces hommes ne seraient pas recrutés dans la garde Jaffa du faux dieu Apophis et il n’aurait pas à choisir pour le Goa’Uld les meilleurs éléments. Juste à partager avec ces hommes le plaisir du combat.
Il était satisfait de ces échanges musclés qui lui manquaient tant au SGC ou en campagne avec son équipe. Rien à voir avec la boxe anglaise, se dit-il, ruisselant de sueur, le souffle court. Rien de tel que le corps à corps pour faire tomber la pression et exercer un bon guerrier. Il s’abîma dans la contemplation des quatre pugilistes qui luttaient dans l’arène en poussant des cris gutturaux.
Enfin des vacances à sa mesure. Ces quinze jours allaient passer à la vitesse de l’éclair.
Le major Carter et O’Neill se débrouilleraient très bien sans lui.
Jack avait retroussé le bas de son pantalon et marchait au côté de Sam sur la grève mouillée. Les vagues leur léchaient les pieds et une petite houle fraîchissait.
" Regardez ! " s’écria Sam en tendant le bras vers l’horizon, " le soleil va disparaître. Vous l’avez vu ? " Elle l’agrippa par le bras. " Le rayon vert ! C’est la première fois que je le vois. J’aurai dû faire un vœu, " dit-elle d’une voix dépitée.
" C’est un phénomène physique Carter, " déclara Jack. " La rémanence de l’éclat du soleil sur la rétine. Le rayon vert n’existe pas. N’en déplaise à Jules Verne. Ce n’est pas vous la scientifique ? " la taquina-t-il.
" Je sais mon colonel. Vous avez lu Jules Verne ? "
" Bien sûr. ‘Voyage au fond des mers’, ‘Le tour du monde en 80 jours’… "
" J’adorais ça quand j’étais petite, " commença Sam, " surtout ’Le rayon vert’, j’avais trouvé ça tellement romantique. "
" Qu’est-ce que vous avez Carter ? C’est cette planète qui vous fait ce effet ? Vous avez attrapé un virus ? Qu’est-ce que la sorcière vous a fait boire ? " débita Jack d’une traite.
" La sophê mon colonel, " le corrigea Sam en souriant. " Non, je vais bien. Mais ça fait tellement longtemps que je n’ai pas eu de vraies vacances que je crois que ça me tourne un peu la tête, " avoua-t-elle en baissant les yeux.
Elle frissonna. Jack ôta sa chemise et la posa sur ses épaules. Elle le gratifia d’un regard reconnaissant.
" Venez, rentrons, vous n’aviez pas parlé d’un banquet ? " dit-il en mettant son bras sur ses épaules et en la serrant contre lui. " Je ne voudrais pas vous paraître paternaliste, mais vous n’avez rien sur le dos et je n’ai pas l’intention de vous faire des bouillottes et de rester à votre chevet pendant les deux semaines à venir, " dit Jack d’un ton qui démentait ses paroles. Sam continua de marcher en s’appuyant contre lui. " Vous allez me faire le plaisir de remettre vos vêtements avant de ressortir festoyer. " ajouta-t-il. " Je n’ai que cette chemise et ce tee-shirt. Thor ne m’a pas laissé le temps d’emporter mon sac de voyage ! "
Sam s’effondra sur une pile de coussins en soupirant. " Je crois que je ne pourrais rien avaler de plus pendant les deux semaines qui viennent, " soupira-t-elle.
" Vous n’avez presque rien mangé. En revanche, vous avez beaucoup trop bu major, " dit le colonel O’Neill d’une voix acerbe. " En ce qui me concerne, je trouve que vous faites bien rapidement confiance à toutes ses femmes. Il y a quelque chose qui cloche, si vous voulez mon avis, " poursuivit-il en posant sa chemise sur un siège. Il retira ses chaussures et fit tomber le sable sur le sol. Voyant que Sam ne partageait manifestement pas son opinion, il revint à la charge. " C’est à peine si Teal’c nous a adressé la parole ce soir. Et je commence à être fatigué d’être considéré comme de la viande. Les regards de ces b… de ces femmes, je n’en peux plus, " soupira-t-il en s’asseyant à côté de Sam.
Il tira une allumette de sa poche, la frotta sur la jambe de son pantalon et tendit le bras pour allumer une lampe à huile. La mèche grésilla avant de s’enflammer, les enveloppant dans une lumière jaune et tremblotante. Leurs ombres se matérialisèrent sur les murs de pierres sèches. Les cigales qui chantaient à l’extérieur s’arrêtèrent le temps d’une respiration et reprirent leur plainte lancinante.
Sam souriait. " Vous n’êtes pas content d’être un sex symbol, mon colonel, " se moqua-t-elle gentiment.
" Non. C’est très désagréable, la façon dont elles me frôlent, dont elles me jaugent, j’ai l’impression d’être une bête de concours. J’ai le sentiment de ne pas être à la hauteur. "
" Alors, ça ne vous dérange pas tant que ça, " murmura Sam, les yeux fixés sur la flamme. " Je pensais que vous ressentiez la même chose que moi. "
" La même chose que vous, major ? "
" Ce n’est pas facile tous les jours pour une femme d’être un officier de la glorieuse armée américaine, serait-ce dans l’Air Force, " dit Sam d’une toute petite voix. " Je ne me plains pas, mon colonel, parce que vous n’avez jamais eu cette attitude envers moi, mais certains jours, je n’ai vraiment pas envie de devoir affronter tous ces regards. Même au SGC. Prenez l’exemple de Simmons. Il se comporte comme un amoureux transi et idolâtre chaque objet que je touche. Le capitaine Donaldson, c’est autre chose, il parade comme un coq en attendant que je lui tombe dans les bras. Et je vous passe les commentaires misogynes et les réflexions déplacées. Certains jours, je n’ose même pas aller au mess sans Daniel, Teal’c ou Janet. Je n’ai juste pas l’énergie nécessaire pour faire face à ce machisme ambiant. "
Jack ne pipait mot, troublé par les confidences de Sam. Il n’imaginait pas que sa vie de militaire soit aussi difficile à gérer et qu’elle ait à subir ce genre de désagréments. Pour lui, un militaire était un militaire, même s’il reconnaissait volontiers avoir pensé qu’une femme allait être un boulet pour SG-1. Mais il avait d’emblée reconnu ses qualités et il était fier de l’avoir sous ses ordres. Il sentit la moutarde lui monter au nez. Il allait mettre les pendules à l’heure de tous ces crétins dès son retour à la base.
" Je vois, " dit-il platement pour briser le silence qui s’était installé entre eux.
" Je ne crois pas mon colonel. Vous savez, j’ai même failli abandonner. Au moins au Pentagone, je n’étais pas considérée comme une femme mais comme une scientifique. Je n’avais pas besoin de faire mes preuves tous les jours. "
" Vous n’allez pas retourner au Pentagone, Carter. Ces abrutis sont incapables de reconnaître la valeur de qui que ce soit. C’est une usine. Une armée d’incapables qui tirent les marrons du feu grâce à des gens de valeur, comme vous. "
" Merci, mon colonel. Mais je suis fatiguée. J’espérais que vous vous étiez rendu compte de ce qui se passait à la base. Et je ne parle pas du reste. "
" Quel reste ? " s’alarma Jack. Sam paraissait déjà suffisamment déprimée sans qu’il y ait quelque chose en plus.
" Vous savez bien mon colonel. NOUS. "
" J’ai peur de ne pas vous suivre, " dit Jack qui pour une fois suivait parfaitement. Sur la défensive, il attendit la suite.
" Les bruits qui circulent à notre sujet. J’ai été affectée à SG-1 parce que… vous m’aimez bien, parce que je suis la protégée de Hammond, ce genre de choses. "
" Carter ! Vous plaisantez, j’espère, " s’exclama Jack, parfaitement dérouté.
" Je le voudrais bien, mais non. "
" Je n’ai jamais manifesté quoi que ce soit qui puisse laisser penser une chose pareille, " murmura Jack. Enfin, je l’espère, se dit-il. C’était bien sa veine d’être tombé amoureux d’une femme intelligente. Et son second de surcroît. Il n’était pas sûr de vouloir poursuivre cette conversation. Il se sentait sur la corde raide. Son attitude envers elle n’était pas très conventionnelle. Pas du tout. Il commençait à s’apercevoir que les sentiments qu’il ressentait à son égard devaient être bien transparents. Rien que la façon dont il acceptait de recevoir ses ordres au lieu de les donner…
" Excusez-moi mon colonel, je crois que je ne suis pas dans mon assiette, j’ai l’impression de dire des choses qui dépassent ma pensée, " dit-elle en le regardant les yeux remplis de larmes. " J’ai le vin triste ce soir. Je ne veux pas que vous croyiez que je m’apitoie sur mon sort. "
" Vous n’avez pas à vous excuser Carter. Je n’avais pas réalisé que c’était aussi difficile pour vous. J’ai bien mérité ce qui m’est arrivé ce soir. A vrai dire, je reconnais que j’ai trouvé que c’était assez flatteur, au début. Mais au bout de quelques heures, c’était devenu insupportable. "
" Je sais. "
" Heu… " dit Jack en se raclant la gorge, " et si nous allions pêcher demain ? Ca vous dirait ? " tenta le colonel. " Vous n’avez pas de réacteurs à naquadah sous la main, pas d’ordinateur et il est inutile de contacter le SGC tous les jours… Alors ? "
Le silence lui répondit. Il se pencha vers Sam et la secoua gentiment. " Sam ? "
Elle s’était endormie. Les larmes séchaient sur ses joues. Ils les essuya avec le pouce et la souleva pour la porter sur le lit. Il arrangea la tunique du mieux qu’il put, la recouvrit de l’unique couverture et s’allongea à côté d’elle.
Décidément, il faut que je persuade Hammond de lui donner ce commandement, se dit-il. Même si je suis obligé de mettre ma démission dans la balance. Mais alors, il ne la verrait plus. Et Simmons ou un autre finirait par arriver à ses fins. Ces crétins avaient le bénéfice de l’âge.
Il se tourna et se retourna et finit par s’endormir d’un sommeil agité.
La première semaine s’écoula comme dans un rêve. Sam passait la moitié de ses journées enfermée avec la sophê. Jack construisait des cerf volants, des chariots et des échasses pour les enfants. Un soir, lors du repas pris en commun sur la place du village, il avait même organisé une course de porcs. Il avait bien essayé de persuader Carter de l’accompagner à la pêche, mais sans succès.
Teal’c de son côté poursuivait son entraînement dès l’aurore. Son rire sonore résonnait dans l’arène. Cependant, il refusait toujours avec obstination de goûter aux merveilles de Delphos. Ses vins ambrés, au parfum délicat, que les échansons faisaient couler à flot. Le présent des dieux. Jack aurait préféré quelques bières, mais il commençait à s’y faire. Carter s’enivrait tous les soirs avec la régularité d’une horloge et tombait dans un sommeil comateux, réfugiée dans ses bras. Elle n’avait pas émis la moindre critique quand elle s’était réveillée à ses côtés le premier matin. Contrairement à ce qu’il avait craint, dormir à côté de Carter ne lui avait pas non plus posé de problème. Il s’endormait en l’entendant parler de projets d’éoliennes et de canaux d’irrigation et se réveillait aux aurores pour la regarder dormir sur son épaule.
Tous les jours, Teal’c, seul ou accompagné de Carter ou O’Neill, allait composer l’adresse de la Terre sur DHD. La Terre était toujours aux abonnés absents. Le colonel s’était fait une raison. Il était aussi bien là que dans sa cabane. Mieux même. Sam était avec lui. Il avait fini par s’habituer aux plaisanteries obscènes, aux pince-fesses et aux regards appuyés. Dans les cas critiques, il se jetait aux pieds de Carter et la regardait avec adoration. Cela suffisait généralement à faire taire les femmes qui le poursuivaient de leurs assiduités. Dans le cas contraire, Sam les foudroyait du regard.
Au bout du huitième jour, Jack commença à tourner en rond. Il initia les plus jeunes au soft ball, et les adolescents au base-ball. Des hommes furent réquisitionnés pour préparer un terrain digne de ce nom et bientôt l’ouest de la cité retenti des cris et des hurlements de la foule qui s’était prise au jeu. La sophê leur fit même l’honneur de sa présence. Les parties finissaient au crépuscule, faute de lumière.
Comme l’avait expliqué la sophê, Delphos recevait la visite de nombreux étrangers attirés par la liberté de ses mœurs. Sam et Jack assistèrent à des cérémonies de mariage qui dégénéraient en orgies dionysiaques. Même si les Delphiniens avaient adopté une religion monothéiste des centaines d’années plus tôt, Jack reconnaissait qu’ils utilisaient le fond de commerce des Goa’Ulds avec beaucoup de discernement. Il était surpris d’être aussi à l’aise avec Sam, surtout dans ces cas critiques. Mais elle riait beaucoup, s’amusant de manière bonne enfant des moindres choses, si différente de la Carter qu’il côtoyait en mission ou au SGC qu’il avait du mal à y croire. Il avait même fini par s’habituer à ses vêtements.
Le dernier soir, mais évidemment, personne ne savait qu’il s’agirait de leur dernier soir à Delphos, la sophê proposa que SG-1 consulte la pythie. C’était un grand honneur que la cité rendait aux terriens. Elle leur fit clairement comprendre qu’il serait inutile de refuser. Teal’c ne put franchir l’enceinte du temple. Au premier coup d’œil, les prêtresse du temple entrèrent dans une colère homérique et les gardiens du temple reçurent l’ordre de lapider le Jaffa.
L’intervention de la sophê calma les esprits de justesse et Jack et Sam pénétrèrent dans le temple avec plus de circonspection qu’ils ne s’y étaient préparés après deux semaines de fêtes et de libations. Instinctivement, Sam avait saisi la main de son colonel et ralenti son pas. Des odeurs d’encens et de vin flottaient dans l’air. Au crépuscule, juste après que le soleil ait fini sa course derrière l’horizon, la pythie apparut nimbée d’une lumière spectrale, enroulée dans des kilomètres de voiles arachnéens.
Jack reconnut que l’apparition était du plus bel effet. Il dissimula un sourire et s’abstint pour une fois de dire à haute voix ce qu’il pensait tout bas. La main de Sam trembla dans la sienne et il s’aperçut que la jeune femme s’était raidie dès l’arrivée de la prêtresse. Il jeta un œil inquiet à son second et lui murmura des encouragements.
Une voix métallique le fit taire sur le champ. Les yeux de la pythie se mirent à luire dans l’obscurité et son bras se tendit. Un gant Goa’Uld.
Jack sentit la colère l’envahir. On les avaient roulés dans la farine. Pourquoi donc avaient-ils attendu quinze jours pour les confronter à ce Goa’Uld ? Inconsciemment, il adopta une position qui lui permettrait de réagir. La main de Sam sur son bras le détourna de son but.
" Je ne sens pas de Goa’Uld, mon colonel, " dit Carter qui l’appelait par son grade pour la première fois depuis le soir de leur arrivée. " C’est un leurre. "
" Un leurre ? "
" Je pense que c’est un hologramme, monsieur. Très réussi. " dit-elle en approchant de la forme lumineuse, figée dans une posture caractéristique.
" Tu oses approcher la représentante des dieux ? " gronda la pythie. " Leur colère sera terrible. Entends-les parler par ma voix et prosterne-toi. " continua l’apparition brouillée par le bras que O’Neill agitait à hauteur de sa taille.
" Vous avez raison major. " dit Jack d’une voix blanche. " Belle imitation. Quel est le but de cette mascarade ? "
" Tromper les esprits faibles, " dit un voix dans l’obscurité. La sophê s’avança. " Nous avons conservé cette relique en souvenir des moments terribles que notre cité a traversé à cause des Goa’Ulds. Pour que les habitants de ce monde et les visiteurs tels que vous se rappellent que nous sommes tous les descendants d’un peuple qui a été arraché à sa terre de force. Vous êtes les premiers représentants de notre monde d’origine à venir sur notre lieu d’exil. C’est pourquoi la boulé a pris cette décision : vous montrer ce qu’il nous reste de ces faux dieux, pour que la mémoire reste intacte, comme au premier jour, des exactions qu’ils ont commises. " La sophê s’inclina. " Il est de mon privilège en tant que représentante de cette cité de vous guider maintenant vers l’endroit de votre sacrement. "
" Hé, attendez, que quoi voulez-vous parler ? " demanda Jack.
" Nos prêtresses vont consacrer le lien qui vous unis à Samantha, Jack. "
" Mais je croyais que le mariage n’existait pas à Delphos ? "
" En effet, il ne s’agit pas de mariage. Mais d’une expérience mystique. Je vous en prie, veuillez me suivre. "
" Et si nous refusons ? " risqua Sam.
" Pourquoi refuseriez-vous Samantha? C’est une expérience vraiment unique. Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises. "
" Comment ça ? " s’exclama Jack. " Vous avez parlé de notre mariage avec cette… "
" C’était purement théorique, mon colonel, " l’interrompit Sam.
" Il me semble quand même que j’ai mon mot à dire ! " continua Jack en se tournant vers la sophê. Elle ignora délibérément le colonel et quêta l’approbation de Sam.
" Non mon colonel, vous n’avez aucun droit à Delphos. Vous êtes un esclave. " lui murmura Sam. " J’accepte, sophê, " répondit Sam.
" Hé une minute, je ne suis pas d’ici moi ! Je veux sortir immédiatement. Venez Carter, cette plaisanterie a assez duré. " dit Jack qui sentit ses jambes se dérober sous lui. " Qu’est-ce qui se passe ? Carter… " eut-il le temps de dire avant de s’effondrer sur le sol.
" Vous avez fait le bon choix Samantha, " dit la sophê en s’inclinant. Les prêtresses emportèrent le colonel évanoui.
" Je l’espère, " souffla Sam. " Et maintenant ? "
" Buvez ce vin. Il suffit d’attendre. Nous allons transporter votre ami dans votre chambre. Quand il se réveillera, votre esprit et le sien s’ouvriront au monde comme jamais auparavant Samantha. Guettez les signes. Ils viendront. Peut-être pas tout de suite. Peut-être dans une heure, dans deux jours, dans un mois. Mais faites-moi confiance. Ils viendront. Vos destins sont liés."
Haussant le ton pour dominer le son strident de l'alarme, le technicien s'écria " C'est le code d'identification de SG-1 ! "
" Ouvrez l'iris ! " répondit aussitôt le major général Hammond qui arrivait en courant dans la salle de contrôle.
Dans la salle d'embarquement, les soldats de l'armée de l'air épaulaient déjà leurs armes. Daniel se précipita, en dépit de la douleur lancinante qui lui vrillait l'aine. A sa grande joie, il vit ses trois coéquipiers franchir le champ gravitationnel.
Carter en tenue de l'USAF, bleu marine, le colonel au centre, bras nus, en civil, tee-shirt et pantalon beige. Teal'c, tout en noir, impassible, avait laissé pousser une mouche sur son menton. Ils paraissaient passablement à cran. O'Neill marqua un temps d'arrêt, écarta les bras. " Et bien, faut pas être pressé avec vous ! " s'écria-t-il avec une moue désabusée. Il évitait de regarder Carter.
Sam ne fut pas en reste.
" On émet notre code depuis une semaine, " ajouta-t-elle avec l’air d’une petite fille gâtée à qui on vient de refuser un jouet dans une vitrine. Elle paraissait passablement agitée. Teal’c les avait réveillés en sursaut. La porte de la Terre avait répondu au signal. Pour la première fois en deux semaines, ils étaient nus dans les bras l’un de l’autre. Ils avaient bondi hors du lit, détournant les yeux des draps froissés et des vêtements éparpillés dans la chambre. Ils avaient été drogués. Tous les deux. Les adieux avaient été brefs. Samantha Carter détestait qu’on abuse de sa confiance. Elle fixa l’archéologue, attendant une réponse.
Daniel fut sonné. Pas une seconde ils n'avaient envisagé que le Stargate Command ait nourri une quelconque inquiétude.
" On est content de vous revoir nous aussi, " lança-t-il sur un ton un peu sec qu’il tempéra d'un sourire mi-figue, mi-raisin.
" C'est un plaisir de vous voir rétabli, " dit Teal'c, conscient du malaise du jeune archéologue dont le visage pâle trahissait la condition physique et le désarroi. Lui-même n'était pas mécontent de revenir à la base.
" Merci Teal'c, " répondit Daniel qui ne pouvait détacher son regard de l'étrange mouche blonde qui ornait le menton du jaffa. Il ne put s'empêcher de tendre la main, sans s'embarrasser de préambules. " Qu'est-ce que vous avez au menton ? "
" Si j'étais vous… " commença Jack en lui faisant signe de ne pas aller plus loin, mais il fut interrompu par l'arrivée du général, essouflé et réjoui.
" Content de vous revoir SG-1 ! "
Jack redevint immédiatement lui-même.
" Où sont la fanfare et les cotillons ? " s’exclama-t-il.
" Oui. On sauvé la planète non ? " ajouta Carter qui apparemment avait adopté les manières sarcastiques de son supérieur.
" Une fois encore… Mais ça devient une habitude… " plaisantait d'ailleurs à moitié le colonel.
Hammond prit le parti de ne pas relever les remarques de ses subordonnés.
" Bon travail colonel ! " s'exclama-t-il. Et on voyait que sa remarque reflétait le fond de sa pensée. Manifestement le retour de son équipe phare lui mettait du baume au cœur.
" Merci, c'était peu de chose, " se rengorgea Jack, faussement modeste.
Mais le général voulait des réponses, tout de suite. Un peu agacé, il commençait le debriefing.
" Et où est passé Thor ? "
La réponse de Carter fut instantanée.
" Les Asgards ont téléporté sa capsule, monsieur. "
" Dès notre arrivée sur P4X234. " Le visage du Jaffa montrait sa désapprobation pour qui le connaissait suffisamment.
Carter se sentit obligée d'expliquer.
" Elle devait contenir une balise, " commenta-t-elle.
" Et ils ne vous ont pas aidés ? " réagit Hammond outré.
Le major temporisa.
" Non, mais on allait bien et… " commença-t-elle, aussitôt interrompue par le colonel O’Neill.
" Je me ferais un plaisir de faire le point avec vous, mais avant, j'aimerais prendre une bonne douche, bien chaude. "
" Permission accordée, colonel. En fait, cette douche n'aura rien d'un luxe. " dit Hammond avec un petit sourire.
" J'allais le dire. " ajouta Daniel, le visage sans expression.
" Pardon ? " lança O'Neill avec une grimace.
" Je pense que ça vous détendra… " tenta Daniel.
" Ah oui, j'aime mieux ça ! " conclut le colonel qui partit en direction des vestiaires, ces deux compagnons sur les talons.
" Qu'est-ce que c'est que cette odeur docteur Jackson ? "
" A vu de nez, " répondit Daniel en se pinçant les narines, " je dirais un mélange d'encens, d'hydromel, de vin résiné et de sueur, général. "
Jack rejoignit Carter à son labo un peu après le debriefing. Ils avaient bien fait d’accorder leurs violons. De toute façon, ils n’avaient ni l’un ni l’autre le souvenir des dernières heures. Même s’ils ne pouvaient pas être tenus pour responsables de leur séjour prolongé sur Delphos, certains faits méritaient d’être passés sous silence. On ne savait jamais avec l’armée. Un jour on sauve la Terre et le lendemain on se retrouve aux arrêts.
" Qu'est-ce que vous faites de beau ? " attaqua-t-il en collant son visage à la loupe que Sam utilisait pour grossir les détails gravés sur un petit fragment métallique. Sam faillit éclater de rire. Mais elle n’était plus à Delphos. Elle répondit donc à la question.
" On a récupéré des morceaux de réplicateur dans l'océan, je jette un coup d'œil. " répondit-elle sans le regarder.
" Est-ce que c'est bien sage ? " s'énervait déjà le colonel en se relevant.
" On ne risque rien. " expliqua Carter. Il n’allait pas recommencer ! " Ces fragments n'émettent pas d'énergie. Il n'y a pas de trace de vie dedans. Maintenant, ce ne sont que des bouts de métal. "
Elle craqua et sourit de toutes ses dents. De ce sourire que Jack aimait tant. Il se détendit.
" Ah ! Je pars en vacances ! " lança-t-il. Il énonçait un fait. Pas question de l'inviter directement. Après tout en quinze jours, il n’avait pas réussi à l’entraîner à la pêche. Il se doutait que ses chances étaient très minces. Mais il voulait tenter sa chance.
" Toujours à la pêche ? " dit-elle en baissant les yeux, lui faisant clairement comprendre qu'elle avait compris le message.
" Toujours le travail ? " répondit-il du tac au tac.
" Oui. J'ai eu mon compte de détente pour toute une année ! " répondit Sam un peu trop rapidement. Est-ce qu’il allait revenir sur les événements de la nuit ? Est-ce qu’il se rappelait quelque chose ?
" Je vous laisse. " dit Jack, une lueur amusée et déçue au fond de ses yeux chocolat. Elle a failli dire oui. C’était raté. Sam restait sur ses gardes.
" Amusez-vous ! " furent les seules paroles qui vinrent à l'esprit de Sam.
" Pour ça, vous pouvez compter sur moi ! " dit Jack d'un air entendu, satisfait de la gêne de la jeune femme avant de tourner les talons.
Sam devint écarlate. Après ce qui s’était manifestement passé cette nuit, pourquoi n'arrivait-elle pas à se laisser aller ? Un règlement était fait pour être contourné. Même à Delphos, ils étaient sous le coup de ce règlement. Ca ne l’avait pas arrêtée. Quand il y aurait ces signes dont avait parlé la sophê, se demanda-t-elle en se mordant la lèvre, est-ce qu’elle saurait les reconnaître ?
Elle baissa la tête et reporta son attention sur le morceau de réplicateur en essayant de ne pas entendre le colonel O’Neill qui s’éloignait vers le Minnesota en sifflotant.
FIN