Retour en arrière
- Les garçons, je crois que je n'ai jamais été aussi heureuse de vous voir, s'exclama Sam.
- Mais non ! Carter, rappelez-vous cette mission sur P3X-595 ? (inexplicablement dans la version française il s'agit de P3X-992, enfin passons…) lui répondit O'Neill avec un large sourire. Vous aviez bu je ne sais quoi et vous avez commencé à enlevé vos…
- Mon colonel !!
Sur P3X-595
- La prochaine fois que nous remplaçons SG-7 au pied levé, j'aimerais bien un peu plus de suivi sur la mission ! rugit Jack. N'est-ce pas capitaine ? Vous jouiez à Matt Mason ou quoi ?
- Je suis désolée mon colonel ! Je ne comprends pas. J'ai lu le rapport et SG-7 n'a pas mentionné que cet endroit était aussi chaud…
- Et humide ! finit Jack.
Daniel et Teal'c le regardaient patauger dans 70 centimètres d'eau. Emporté par son élan, il avait descendu les marches devant la porte de sortie. Sam consultait ses relevés compulsivement.
- Je vous assure que le rapport ne parlait pas d'eau non plus mon colonel !
- Daniel ? Je vous ai vu !
- Je… heu. Vous m'avez vu Jack ? Oui je suis là…
- Daniel ne vous moquez pas de moi ! Je vois bien que vous savez quelque chose !
- Non, je ne sais rien !
- Si vous savez !
- Non !
- Si !
- Non !
- Si !
- Non !
- Bon… Alors Teal'c ? Une explication ?
- Tout à fait, O'Neill.
- Je vous écoute…
- Le colonel Makepeace a pensé que vous souhaiteriez vous détendre un peu.
- Me détendre ?! Dans un mètre d'eau ?!
- Il n'y a pas un mètre…
- Taisez-vous Daniel !
- Il m'a donné cette lettre que je devais vous remettre une fois à destination, O'Neill.
O'Neill remonta les marches avec des bruits de succion en levant haut les genoux. Son uniforme était trempé jusqu'à mi-cuisses. Le visage crispé par la colère, il s'empara de la lettre et déchira l'enveloppe d'un geste rageur.
Mis à part le ressac contre les marches qui conduisaient à la porte, on entendait les mouches voler. Teal'c s'abîma dans la contemplation du paysage. Carter s'immobilisa, n'osant pas se défaire de ses treillis molletonnés. Daniel s'assit, enleva posément son casque, ses gants, sa veste et sortit son écran total.
Salut O'Neill !
Ne sois pas trop dur avec ton équipe, ils ne sont au courant de rien.
J'ai falsifié le rapport avec l'approbation de Hammond. Il vous accorde 3 jours de permission sur cette île. Et je te jure que c'est encore mieux qu'Hawaii ! Tu vas te régaler mon petit père ! N'essayez pas de rentrer avant, vos codes sont annulés, tout le SGC est de mèche. Considère que c'est notre cadeau à tous ! Vous avez la bénédiction du général.
J'ai pensé que ce serait plus drôle de faire croire à Carter que vous alliez sur une planète glaciaire. Je regrette juste de ne pas être là pour voir la tête qu'elle a faite en arrivant. Vous trouverez ce qu'il faut pour vous changer derrière la porte dans des sacs étanches. Tu me diras si j'ai fait le bon choix.
Les indigènes sont très cools et je ne crois pas que vous aurez des problèmes. Pas de trace de serpent dans les environs depuis des générations, je crois qu'ils ont dû péter les plombs en voyant que ces mecs étaient encore plus cinglés qu'eux. Enfin tu verras…
Joyeux anniversaire de ma part et de mes gars ! Amusez-vous bien !
PS : La dernière fois, la marée était basse, mais vous n'aurez peut-être pas cette chance ! J'ai attaché les canoës à côté des sacs.
- Vous êtes sûr que tout va bien mon colonel ? demanda Carter en voyant O'Neill se mordre les lèvres.
- Tout va bien. Nous sommes en vacances Carter !
- En vacances ?
- Oui, le général a pensé que nous avions besoin de vacances ! Nous avons droit à 3 jours de permission sur cette planète.
- Sauf votre respect mon colonel, est-ce que je peux vous parler librement ?
- Allez-y Carter !
- J'ai pas mal de travail en retard, me permettez-vous de retourner à la base mon colonel ?
- Absolument… pas ! Apparemment nous sommes coincés là, expliqua Jack en traversant l'anneau métallique. Et voilà nos petites affaires ! ajouta-il en désignant les paquetages entreposés par Makepeace.
- Veuillez vous expliquer O'Neill.
- Détendez-vous Teal'c ! Vous êtes en vacances ! C'est la maison qui offre !
- Je ne suis pas familier avec ce concept O'Neill.
- C'est très simple Teal'c. Vous avez observé le capitaine Carter ?
- Oui.
- Et bien, le capitaine Carter n'est jamais en vacances Teal'c.
- Je vois. Nous avons donc pour mission de ne rien faire ?
- Exactement !
- Puis-je en demander la raison O'Neill.
- Oui vous pouvez !
- …
- Mais je n'ai pas dit que je répondrai !
- Je connais la raison, dit Daniel.
- Ahhh ! Vous saviez Daniel ! J'en étais sûr !
- Non, je n'étais pas au courant mais je me doute de la raison…
- Et la raison est ? Monsieur je sais tout !
- Heu… C'est… C'est votre anniversaire ? Non ? Je me trompe ?
- Bon ça va ! Pas la peine de le crier sur les toits !
- Et ça vous fait quel âge Jack ? 50 ?
- Daniel ! Je vous conseille d'arrêter ça tout de suite !
- Plus ?
- Daniel !!
- Bon, c'était juste pour savoir… Pour les bougies…
- Que dois-je faire de cela, demanda Teal'c en montrant à ses équipiers le contenu des sacs. Il tenait à bout de bras un bikini jaune et un short de plage.
- Prenez ce qui est à votre taille Teal'c. Je suis sûr que le capitaine Carter va trouver son bonheur, dit Jack en s'approchant de la main qui tenait le maillot de bain microscopique.
Sam rougit et se précipita pour attraper le maillot. Elle se mit à chercher fébrilement dans tous les sacs. Jack vit les gouttes de sueur dégouliner sur le bout de son nez.
- Vous devriez vous changer Carter ! Ou le contenu des sacs va ressembler à mon treillis, lui dit Jack très sérieusement.
- Je… Je ne peux pas mon colonel.
- Vous ne pouvez pas ? Laissez-moi voir ça ! Des shorts, des débardeurs, des tongs, des maillots de bain… Evidemment ce n'est pas vraiment votre taille…
- Non, mon colonel…
- Regardez ce que j'ai trouvé, Sam, dit Daniel en sortant une demi-douzaine de paréos de l'autre sac.
- Voilà Carter ! Vous êtes… parée ! conclut Jack en fourrant la lettre dans sa poche. Bon et bien je propose qu'on se mette en tenue et qu'on aille voir cette fameuse île.
- Une île ?
- C'est ce que dit la lettre. Déjà surfé Daniel ?
- … Pas vraiment.
- Je vous montrerai. Vous verrez, c'est fantastique.
Teal'c et Jack pagayaient en cadence. Les deux embarcations avançaient rapidement. Teal'c faisait équipe avec Daniel, qui s'était recroquevillé au fond du canoë et luttait tant bien que mal contre le mal de mer. Carter avait embarqué avec O'Neill. Elle avait conservé chemise en lainage, t-shirt et pantalons doublés et utilisé un des paréos en guise de couvre-chef. Jack la fixait d'un air moqueur. Il fait au moins 45°C. Elle ne tiendra pas longtemps. Pourquoi cette fille est-elle aussi têtue ? Il la regardait bouder dans son coin, les yeux sur sa boussole. Demain, ça ira mieux… se dit-il fataliste. Elle ne fait jamais la tête bien longtemps.
- J'aperçois la côte O'Neill.
- Daniel ? Regardez ! On est presque arrivés !!
- Non merci. Vous me préviendrez quand on y sera. Pour l'instant, je ne me sens pas très bien.
Jack éclata de rire et pagaya de plus belle.
- Le premier arrivé Teal'c !
- Vous n'avez aucune chance O'Neill !
- Ah ! Vous croyez ? Regardez ce qu'un type de 47 ans sait encore faire !
- Regardez ce qu'un Jaffa qui a le double de votre âge sait faire, répondit Teal'c en prenant 2 mètres d'avance.
- Hé ! C'est pas juste ! Moi je suis tout seul ! Non je l'ai pas dit, ajouta-t-il avec une grimace à l'adresse de Carter qui avait levé les yeux vers lui.
Il fit semblant de s'absorber dans la course. Il rendait déjà 8 mètres au canoë de Teal'c. Quel idiot ! Bon, peut-être que la différence d'âge ne la gêne pas ! Tu ne peux pas tenir ta langue imbécile ! Furieux, il se mit à pousser plus fort sur la pagaie.
Il est trop mignon, pensa Carter. Il doit bien se douter que j'ai vu son dossier et ses états de service. Peut-être pas… Elle sourit en son for intérieur. Comme s'il ne savait pas que toutes les filles de la base voulaient rentrer dans son pantalon ! Elle le regarda du coin de l'œil. C'est vrai qu'il est craquant. Et puis 47 ans, ce n'est pas si vieux que ça… D'un geste délibéré, elle enleva sa chemise et commença à délacer ses rangers. Elle fut aussitôt récompensée par le regard d'O'Neill sur sa poitrine.
- Nous ne sommes plus qu'à 50 mètres du village mon colonel.
- Laissez tomber le "colonel" Carter. Nous sommes en PERMISSION ! En vacances ? Vous savez ? Quand on ne fait rien que manger, se baigner, dormir, s'amuser… ?
- D'accord, dit Sam en rougissant.
Qu'est-ce que j'ai encore dit, pensa Jack. Décidément je ne comprendrais jamais rien aux femmes.
- Bonjour ! Nous sommes des voyageurs pacifiques. Nous sommes venus pour apprendre vos coutumes. Mon nom est Daniel, et voici Jack, Sam et Teal'c, dit soudain Daniel, qui se tenait les bras étendus face à un aborigène. L'homme de très grande taille, avait le corps entièrement recouvert de tatouages compliqués et le visage peint en blanc.
- Je suis Ti-Parn. Vous avez passé le cercle des eaux qui regardent l'horizon ?
- Heu, oui… La porte des étoiles…
- Nous vous attendions. Venez, je vais vous conduire au village. Les autres ont hâte de vous voir.
- SG-7 a du les prévenir, hasarda Daniel.
- Sans blague ! lança Jack en emboîtant le pas à l'indigène.
- Les femmes ont préparé vos huttes. Le chef voudra vous voir pour vous faire connaître la décision du shaman.
- La décision du shaman ? s'empressa Daniel, complètement remis de son mal de mer.
- Nos huttes sont petites. Les esprits nous diront si le choix de la femme est le bon.
- Carter ? murmura Jack à l'adresse de Daniel qui hocha silencieusement la tête en signe d'assentiment.
- Nos femmes sont libres sur notre monde, commença Daniel.
- Nos femmes sont libres aussi Daniel. Mais la loi interdit qu'un femme mûre dorme seule. Elle serait emmenée par les esprits au lever des lunes. Nous ne voulons pas que… Sam soit en danger. Elle choisira parmi vous ou les membres de notre communauté. Et le shaman confirmera son choix. Ou pas.
- Ou pas ? s'exclama Jack avec une grimace. Attendez ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire Daniel ? Vous savez de quoi il parle ?
- Un peu. Dans les cultures de Polynésie ou d'Océanie, les femmes choisissent leur époux. Mais ce choix est soumis à l'appréciation du shaman, du chef spirituel de la tribu. Une fois le choix approuvé, la vierge est conduite…
- La vierge ?!
- … dans un lieu isolé pour que les dieux éprouvent son choix. Et seulement après cela, l'union est consommée.
- Consommée ?
- Daniel, je suis capitaine de l'Armée de l'Air. Il est hors de question que je me marie sur une île primitive perdue aux confins de la galaxie ! Même pour me conformer aux coutumes de l'endroit !
- Je suis d'accord, asséna farouchement O'Neill.
- Moins fort… Il suffit juste de jouer le jeu. Vous n'aurez qu'à dire que vous me choisissez comme époux. Je ne crois pas qu'ils vont nous obliger à suivre leurs coutumes à la lettre.
- Ah ! J'aime mieux ça ! conclut Jack.
- Un problème O'Neill ?
- Non Teal'c, n'est-ce pas Daniel ?
- Pas encore.
- Pas encore ? Comment ça pas encore ? Au nom du ciel, qu'est-ce que vous voulez dire Daniel ?
- Taisez-vous, nous sommes arrivés.
Passées les embrassades et les offrandes de fleurs, SG-1 se retrouva devant le chef du village. Toute la tribu attendait derrière eux, assise à genoux sur le sol, attentive à la décision du chef. A ses côtés, se tenait un homme lui aussi tatoué de la tête aux pieds.
- Les colliers doivent désigner sa charge, souffla Daniel.
- C'est lui le sha… charlatan ?
- Chut !
- Taisez-vous mon colonel.
- Depuis quand me donnez-vous des ordres capitaine ? se rebiffa Jack pour la forme.
- Le shaman va parler O'Neill.
- D'accord, je me tais. Mais qu'il ne croit pas que…
- CHUT !
- … ne peuvent accepter ton choix Sam. Les esprits refusent ce choix. Ils disent que tu te trompes. Daniel ne peut pas devenir ton époux. Les esprits ont désigné le nom d'un autre homme présent dans cette assemblée.
- Je vous assure, ô sage, que le choix de notre amie est le bon, dit Daniel en saisissant la main de Sam.
- Mais c'est lui que j'ai choisi ! se défendit Sam.
- Les esprits disent le contraire. Celui que tu as choisi…
- Qu'est-ce que c'est que ce cirque Daniel ? murmura Jack. Il est hors de question que Carter se retrouve avec un des hommes de la tribu. Je préfère camper à la porte des étoiles jusqu'à la semaine prochaine.
- … est cet homme, dit le shaman le doigt pointé sur Jack O'Neill.
- Moi ? Non, je vous assure que vous vous trompez ! commença Jack en se retournant vers le shaman avant de s'apercevoir que ce dernier le désignait. Que vous ne vous trompez pas ! Excusez-moi ! L'émotion !
Il prit la main de Carter qui était devenue écarlate.
- Je suis d'accord !
- Mais ce n'est pas ce qui était prévu mon colonel !
- Taisez-vous. Débarrassons-nous de la procédure. On verra après.
- Les épousailles auront lieu ce soir. La fiancée ne sera pas tenue de s'isoler comme le veut la coutume. Les voyageurs du cercle des eaux qui regardent l'horizon nous ont prévenus que votre visite serait de courte durée. Néanmoins, elle devra prier les moaïs avec celui qu'elle prendra pour époux demain, ajouta le shaman.
- Mais je ne l'ai pas choisi ! s'écria Carter.
- Les moaïs, les moaïs, laissez-moi réfléchir, dit Daniel en lui faisant signe de se taire. Ce n'est pas possible ! Chef Pa-tij, Shaman ?! Comment s'appelle votre île… s'il vous plaît ?
- Notre monde s'appelle Rapa-Nui, dit le chef avant de se retirer dans sa hutte à la suite du shaman.
- C'est Rapa-Nui !! Le nombril du monde, c'est bien ça ! C'est extraordinaire ! Nous allons enfin avoir la réponse !
- La réponse à quoi ? Il est hors de question que j'épouse Carter ici, Daniel ! dit Jack sans réfléchir une fois de plus. Je veux dire…
- Le nombril du monde ! Vous vous rendez compte ! J'ai hâte de voir les moaïs.
- …Que je ne veux pas me marier ! Mais enfin de quoi parlez-vous Daniel ?
Les femmes transportaient les offrandes de fleurs et de fruits. Leurs cheveux d'un noir bleuté luisaient sous les lunes. Le parfum de l'huile de coco et du tiaré remplissait l'air. Les hommes fermaient la marche en psalmodiant des chants sacrés. Tous marchaient derrière SG-1. Le shaman conduisait cette procession.
Les futurs époux avaient été baignés et habillés selon la coutume. Pour tout vêtement, ils portaient un pagne. Les courts cheveux de Sam avaient été tressés de perles et de verroterie. Les femmes avaient ceint le front de Jack d'un lourd bandeau en métal souple. Pieds nus, plusieurs colliers de fleurs autour du cou, ils avançaient en se tenant la main et évitaient de se regarder. La hanche de Sam rencontrait celle de Jack au hasard la marche et il effleura sa poitrine en la retenant quand elle trébucha et faillit tomber.
Tout à l'expectative de sa découverte, Daniel batifolait autour d'eux, inconscient de la gêne qu'ils ressentaient.
En haut de la colline, le shaman s'arrêta et commença une longue incantation reprise par la foule.
- Je suis désolé Carter.
- Pas autant que moi mon colonel.
- Ne vous inquiétez pas, tout ira bien.
- Je ne suis pas inquiète mon colonel. Je suis toute nue !
- Mais moi aussi ! Tout le monde l'est !
- Presque, dit Sam en lorgnant vers Teal'c et Daniel en t-shirt et bermuda. Makepeace me paiera ça !
- Vous devrez attendre votre tour, Carter ! dit Jack avec véhémence.
- Excusez-moi Jack, je sais que vous n'y êtes pour rien, dit-elle en serrant doucement sa main. J'ai l'impression que nous sommes arrivés. Je ne vois rien. Vous voyez quelque chose ?
Daniel arrivait en courant.
- C'est incroyable ! Ils sont encore plus grands que sur Terre !
Le shaman arrêta sa prière et fit signe à la tribu de déposer les offrandes et de retourner au village. Il s'inclina profondément devant le couple et les guida dans le chemin abrupt en interdisant à Teal'c et Daniel de les suivre.
Une cinquantaine de monolithes de 15 mètres de haut montait la garde. Sam et Jack s'arrêtèrent, estomaqués. Ils commençaient à comprendre l'excitation du jeune anthropologue.
Devant eux se dressaient plus de moaïs qu'il n'en restait sur le monde d'origine de la tribu qui les avaient accueillis. Les sentinelles gigantesques dominaient l'océan et le vent qui soufflait de l'océan produisait une mélopée étrange en les contournant. Jack repensa au mot de Makepeace. Quand les serpents ont vu ces monolithes, pas étonnant qu'ils aient laissé croupir leurs esclaves sur ce monde aquatique. Ils n'avaient pas envie de se mesurer avec les dieux de l'île de Pâques.
Ils se serrèrent instinctivement l'un contre l'autre pour se réchauffer. Le vent s'était vraiment levé. La plainte s'intensifiait entre les moaïs. Le shaman s'inclina à plusieurs reprises puis entreprit l'ascension du plus grand de monolithes. Arrivé au sommet, il leur fit signe de s'approcher.
- Vous entendez la voix des dieux.
- Je me disais bien aussi, commença Jack.
- Taisez-vous mon colonel, ne vous moquez pas de ses croyances.
- Je ne me moque pas ! Je suis gelé ! Vous pensez qu'on va bientôt rentrer au village ?
- Je n'en ai aucune idée.
Le shaman éleva les bras vers le ciel et commença sa prière.
- Oh, non, ça me rappelle le dimanche matin ! Ca va durer des heures, je le sens !
- Venez contre moi, on pourra se réchauffer un peu, dit Sam en se blottissant dans ses bras.
- Heu, vous êtes sûre ?
- Vous avez une autre solution mon colonel ? demanda Carter en levant des yeux limpides.
- Pas dans l'immédiat…
- Alors vous voyez bien !
- Je voudrais bien ne pas voir, dit-il.
Et surtout ne rien ressentir, pensa-t-il. Un petit rire répondit à ses paroles.
- Quand je pense que je ne voulais pas mettre les paréos du colonel Makepeace ! Au moins j'aurais pu m'habituer un peu à la situation !
- Je crois que je n'aurais pas de mal à m'habituer…
- Mon colonel ! dit Sam en s'écartant.
- Je plaisantais, venez là, je gèle !!
- Je crois qu'il a fini.
- A quoi voyez-vous ça ?
- Il s'assoit.
- Là-haut ?
- …
- Sam, Jack, les dieux ont accepté votre choix. Vous passerez la nuit dans la grotte sacrée.
- La grotte sacrée ? Hé qu'est-ce que c'est que cette histoire ! Je suis en vacances moi ! J'ai passé l'âge des jeux de scouts ! En plus je n'ai rien mangé depuis des heures !
- Vous êtes sûr mon colonel ? pouffa Sam à voix basse en se remémorant le banquet qui avait eu lieu quelques heures auparavant.
- Suivez le chemin et il vous mènera à la grotte, continuait le shaman en désignant une piste qui se dirigeait vers l'ouest. Allez !
- C'est bien parce que c'est vous ! On y va Carter ? Au moins, on aura plus chaud à l'intérieur…
La grotte, espace béant sur la falaise à pic, surplombait la baie.
- Pas sûr qu'on ait plus chaud là-dedans ! Ils auraient pu mettre une porte !
- Ca doit faire partie de l'épreuve mon colonel. N'oubliez pas que Daniel nous a expliqué que seule la fiancée restait recluse… Je crois qu'ils essaient d'accélérer… la procédure.
Elle baissa la tête et pénétra dans la grotte, illuminée par la lueur jaune d'un falot. On avait jeté des peaux sur un matelas de feuillage. Des brassées de fleurs aux couleurs chatoyantes recouvraient le sol sur lequel était posé un imposant plateau de fruits.
- Pas mal la décoration ! Aie !
- Vous vous êtes fait mal ? Je crois qu'on devrait s'asseoir, sinon vous allez finir par vous assommer mon colonel, dit Sam qui se retenait à grand peine de rire en regardant Jack contorsionner sa grande carcasse pour éviter de se cogner partout. Elle voyait bien qu'il faisant le clown pour dissiper la gêne qu'ils ressentaient tous les deux…
- Vous avez raison ! dit O'Neill en se laissant tomber sur un des matelas. Ca va être une partie de plaisir pour refaire les peintures, si je dois rester à genoux !
- Au moins, je ne serais pas obligée de monter sur un escabeau pour accrocher les rideaux !
A l'aube, Sam fut tirée du sommeil par l'éclat du soleil qui se levait à l'horizon. Le vent était tombé pendant la nuit. Elle réalisa que Jack était allongé contre elle en dépit de leurs résolutions de la veille au soir. Elle sentait sa respiration dans sa nuque. Une jambe la retenait prisonnière. Il avait passé le bras autour d'elle et la tenait embrassée dans son sommeil. Impulsivement, elle essaya de se lever, mais la main du colonel posée sur sa poitrine l'en empêcha. Elle se détendit et écouta son souffle régulier. Il dort encore. Elle aviserait à son réveil. Rassurée, elle se rendormit.
Jack avait somnolé une bonne partie de leur courte nuit. Son sommeil était si léger que le réveil de Sam le mit aussitôt en alerte. Au nom du ciel ! Pourquoi la tenait-il de cette façon ?! Il avait le souvenir de s'être étendu à plat dos le plus loin possible de Carter… Il continua à respirer le plus calmement possible. Si elle s'aperçoit que je suis réveillé, elle va le prendre très mal. Au bout d'un moment, il sentit le corps de Sam s'affaisser contre lui et il sut qu'elle s'était rendormie.
- Alors Teal'c ? Bien dormi ?
- Très bien Daniel Jackson.
- Je me demande bien pourquoi Jack et Sam ne sont pas encore revenus au village.
- Vraiment ? dit le Jaffa en haussant le sourcil, une moue dubitative au coin des lèvres.
- J'ai bien envie de retourner voir ses monolithes.
- Je crois que je préfère essayer les planches que nous a laissées le colonel Makepeace.
- Vous surfez Teal'c ?!
- J'ai visionné des documentaires sur votre monde. Cet exercice me paraît convenir à une activité compatible avec notre situation.
- Notre situation ?
- Nous sommes en vacances, je ne me trompe pas ?
- Oh !… Bien sûr ! Vous avez raison ! J'avais complètement oublié !
- Pas moi Daniel Jackson, répondit-il en prenant la direction de la plage son surf sous le bras.
- Heu… D'accord… Bonne vague Teal'c !
- Je vous remercie Daniel.
Daniel se mit à piétiner sur place incapable de prendre une décision.
- Ti-Parn ! Bonjour ! Vous pensez que je peux retourner au site ?
- Au site Daniel ?
- Voir les moaïs ?
- Les hommes debout doivent rester en prière jusqu'à la cérémonie de ce soir.
- Quelle cérémonie ?
- L'union de Sam et Jack.
- Ah ! C'est vrai ! Ca aussi, j'avais oublié ! D'ailleurs, vous les avez vus ce matin ?
- Pas encore. Mais le jour est encore jeune, répondit l'indigène. Je dois aider à la préparation de la fête. Voulez-vous aider Daniel ?
- Volontiers ! Qu'est-ce que je peux faire ?
- Les hommes vont préparer le kava. Le travail des femmes ne nous concerne pas Daniel.
- Bien… Alors, le kava ? Qu'est-ce que c'est exactement ?
- Une boisson préparée avec les racines d'un arbuste à baies qui piquent.
- Comme des orties ?
- Je ne connais pas ce mot.
- Heu… Vous utilisez les baies ? demanda l'anthropologue.
- Tout à fait ! Elles relèvent le goût des viandes.
- Ca pourrait être du poivre… Vous pouvez me montrer ?
- Venez avec moi Daniel.
- Bonjour capitaine ! Bien dormi ? sourit Jack.
- Je suppose que oui… dit Sam en s'étirant avant de se souvenir qu'elle ne portait qu'un pagne minuscule.
- Tant mieux ! répondit-il en faisant mine de ne rien voir. Il faudrait redescendre au village. J'irais bien profiter de ces rouleaux moi aussi ! Je me demande si ce n'est pas Teal'c que l'on voit dans la baie.
- Dans la baie ?
- Regardez ! dit Jack en montrant un point au milieu de la crique. Je suis pratiquement sûr qu'il fait du surf !
Sam se leva et remit en place précipitamment les colliers de fleurs. Jack n'avait rien remarqué. Tu es une imbécile Sam. Il a dormi en te serrant dans ses bras…
- Vous venez Carter ?
- A vos ordres mon colonel !
Les indigènes avaient disposé des flambeaux tout autour du village. Les femmes finissaient d'installer la nourriture à même le sol sur des palmes tressées. Un autel avait été dressé à l'entrée du village devant lequel on avait célébré leur union dans la liesse. Tous les habitants hommes ou femmes avaient peint leurs corps de la tête au pied et revêtu des parures d'ossements et de plumes. Sam et Jack n'avaient pas échappé au traitement. Mais on les avait ensuite recouverts de plusieurs couches de vêtements superposés en prévision des festivités du soir. Daniel n'avait pas encore compris le but de la manœuvre, même après avoir demandé au chef et au shaman. En l'entendant qui posait ses questions, plusieurs femmes avaient éclaté de rire, s'étaient couvert le visage de leurs mains et avaient détalé en faisant force commentaires. Il les voyait qui le lorgnaient et le montraient du doigt en échangeant des rires.
Les musiciens se mirent bientôt à jouer, donnant le signal du début du festin. Jack et Sam se tenaient à la place d'honneur, entre Par-Ji et l'homme-médecine. Daniel rit sous cape. L'attitude des deux officiers n'aurait pas pu être plus dissemblable.
Jack avait l'air de s'amuser comme un petit fou. Sa coiffe de plumes de travers, il mangeait avec appétit en prenant sur les plateaux tendus par les femmes de la tribu un échantillon de chacun des plats. Je me demande comment il fait pour ingurgiter autant de nourriture, se dit Daniel. Sam en revanche tirait une tête de six pieds de long. Elle refusait les uns après les autres tous les mets qui lui étaient présentés. Il remarqua que Jack essayait la faire rire, sans succès. Le kava coulait à flot et Daniel commençait à se rendre compte que la boisson lui embrumait passablement le cerveau. Il reprit à manger pour contrecarrer les effets du breuvage.
Carter ne mangeait pas, mais elle levait le coude avec la régularité d'une pendule suisse. Son corps se balançait au rythme de la musique.
- Carter ? Vous êtes sûre que tout va bien ?
- Absolument mon colonel ! Je vais parfaitement bien ! Je suis coincée ici à cause d'une manigance du SGC, je prends du retard dans mes travaux, je suis obligée de passer la nuit dans une grotte à moitié nue, de me marier avec vous, et j'étouffe dans ces vêtements ! hurla-t-elle sans reprendre son souffle en se levant comme un ressort.
- Calmez-vous Carter ! C'est une fête en notre honneur. Ne contrariez pas les autochtones ! dit Jack en se levant. Il la prit par les épaules mais elle se dégagea violemment.
- J'ai… tellement chaud, continua-t-elle en retirant le long manteau de laine qui la couvrait jusqu'au pied.
- C'est ça Carter, vous avez raison, je commence à être en nage moi aussi, dit Jack en recevant le vêtement en pleine figure.
Il hésita à la maîtriser. Elle avait peut-être attrapé froid la nuit précédente ?
Il sentit une vague de chaleur l'envahir au souvenir du corps nu de son second contre le sien. Impossible. Il était bien placé pour le savoir.
Carter continuait à danser et à jeter autour d'elle tous les éléments de sa garde-robe. Lui aussi avait vraiment très chaud maintenant. Il reprit une tasse de kava sans la quitter des yeux.
Samantha Elisabeth Carter, astrophysicienne, officier émérite de l'armée des Etats-Unis d'Amérique exécutait une danse tribale et un strip tease devant l'ensemble du village qui l'encourageait en frappant des mains, chantant et riant.
Elle était seule au milieu du cercle des convives, tous les danseurs s'étant retirés pour lui laisser la place. Deux femmes s'approchèrent et lui donnèrent à boire. Elle saisit le récipient à pleines mains et le liquide ambré se mit à couler entre ses seins. Jack avala sa salive.
Daniel n'osait plus bouger. Les yeux écarquillés, la bouche pendante, il mâchonnait distraitement un fruit. Teal'c lui aussi regardait, mais aucun sentiment ne transparaissait. On aurait dit un entomologiste devant son microscope.
Sam jeta le verre et se remit à arracher ses vêtements, le visage levé vers le ciel, les bras en croix. Elle tournait sur elle-même comme un derviche en ondulant sur les sons plaintifs du didgeridoo.
- Vous ne croyez pas qu'on devrait l'arrêter ? demanda Daniel qui s'était approché de Jack discrètement.
- Pourquoi donc Daniel ?
- Ca me paraît évident colonel !
- Jack, Daniel, Jack ! Nous sommes en permission !
- Je ne vois pas le rapport ! Il faut absolument l'arrêter !
- Vous n'auriez pas un appareil photo ou une caméra par hasard Daniel ?
- Heu… Si, bien sûr.
- Alors allez vite la chercher Daniel. On a déjà raté tout le début, vous ne voudriez pas qu'on manque aussi la fin ? dit-il se levant pour apporter à boire à Carter.
- Mon général ! La porte est en train de s'ouvrir !
- Vous avez un code ?
- Oui mon général ! C'est Sg-1 !
- Ouvrez l'iris immédiatement airman ! cria Hammond avant de se précipiter en salle de départ.
Il fit signe aux soldats postés de baisser leurs armes et s'avança vers la rampe. SG-1 émergea du champ gravitationnel.
Jack en tête, ouvrait la marche, encore plus bronzé et détendu qu'à son habitude, un sourire carnassier aux lèvres.
Teal'c et Daniel traînaient plusieurs sacs.
- Où est le capitaine Carter, colonel ?
- Elle arrive monsieur ! Elle a des petits problèmes d'équilibre, je crois…
- Que s'est-il passé, dit Hammond, inquiet. Vous avez eu des ennuis colonel ?
- Pas du tout monsieur. C'est la meilleure permission que j'ai eue depuis bout de temps, au contraire ! répondit Jack en se tournant vers la porte. On vous a même rapporté des photos, mon général ! Plein de photos ! Et une vidéo !!
Sam se tenait en haut de la passerelle, les bras écartés et les yeux fermés. Quand le vortex se referma dans un grondement de tonnerre, elle se boucha les oreilles en étouffant un gémissement. Les cheveux en bataille, l'air hagard, elle trébucha et serait tombé sans l'aide providentielle de Teal'c. Daniel dissimula son sourire derrière son poing fermé.
- Le capitaine Carter est souffrante, à ce qu'on dirait.
- Pas vraiment mon général.
- Une explication O'Neill ! dit Hammond d'une voix cinglante. Docteur Jackson ? Teal'c ?
- Le capitaine Carter n'a pas supporté une boisson locale, répondit sobrement Teal'c.
- Je vois, dit le général en souriant malicieusement.
- Rien que ne puissent guérir quelques aspirines, un bon café et une nuit de sommeil, mon général, dit Jack d'un ton bon enfant. Daniel, vous me passez la K7 ? Et la pellicule, s'il vous plaît ?
Daniel s'empêtra dans son barda.
- D'accord ? Heu… Pourquoi Jack ?
- Je ne voudrais pas qu'elles tombent entre de mauvaises mains ! Vous pouvez donner un coup de main à Teal'c et emmener le capitaine Carter à l'infirmerie ?
- Bien sûr !
- Alors, général, si vous le permettez, j'ai quelques photos à faire développer ! conclut Jack en quittant d'un bon pas la salle d'embarquement.
Il s'éloigna en sifflotant.
- Au fait colonel ! cria Hammond, bon anniversaire colonel !
FIN