THE WAY YOU LOOK TONITE
Auteure : Xeen
e-mail : Xeen67@hotmail.com
http://communities.msn.fr/Forcryingoutloud/
genre : romance
spoilers : après le dernier épisode de la 5ème saison (Revelations) mais avant la 6ème saison
disclaimer : je n’ai pas inventé ces personnages. Pourquoi ?????
commentaires : OUI !!!!!
cette histoire est dédiée à Iry-nefer, qui comprendra je l'espère ;o)
MERCI DE NE PAS PUBLIER SANS MON ACCORD
THE WAY YOU LOOK TONITE
Copyright Xeen (mars 2002)
Le planton vit le colonel O'Neill et le jaffa qui faisait partie de SG1 s'engouffrer dans le couloir et fit quelques pas pour se mettre hors de vue. Ces derniers jours, le comportement des membres de SG1 avait changé radicalement et le soldat en connaissait la cause.
Toute la base la connaissait.
Le SGC venait de perdre le docteur Jackson, découvreur du mécanisme des portes, et SG1 un ami proche, presque un frère.
O'Neill, pantalon beige, t-shirt noir et veste en cuir, discutait avec Teal'c, habillé tout en noir, son chapeau trop étroit vissé sur la tête, un manteau jeté sur le bras. Pour une fois, les deux hommes ne paraissaient pas d'accord. Le son de leurs voix était feutré, comme s'ils ne voulaient pas qu'on les entende ou troubler la quiétude du niveau -21.
"Je ne crois pas que ça craigne tant que ça", conclut le colonel avec un geste de la main.
"Je ne partage pas votre opinion O'Neill", répondit le Jaffa, impassible.
Ils arrivèrent au monte-charge en même temps que le général Hammond et le major Carter. Jack se rendit compte que Sam avait mauvaise mine. Elle était plus menue que jamais, un col roulé bleu lui mangeait le visage et elle flottait dans son caban.
"Salut !" dit Sam d'une voix faussement enjouée.
"Salut…" répondit mécaniquement Jack.
"Vous rentrez ?" continua-t-elle.
"En fait Teal'c et moi on pensait aller manger un morceau. Ca vous dit ?" proposa le colonel en hochant la tête. Il attendit, conscient d'avoir céder à l'impulsion du moment.
"Bonne idée," répondit-elle contre toute attente.
"Mon général ?" demanda Jack, cherchant la caution de son supérieur.
"Allez-y, vous trois, il me reste encore du travail," refusa Hammond, surpris de l'offre du colonel.
Carter répondit machinalement à son sourire et se dirigea vers le monte-charge. Un courant d'air soudain fit voleter ses cheveux courts et elle cligna des yeux et pivota sur elle-même.
"Qu'est-ce que c'était ?" demanda-t-elle l'air un peu égaré.
"Peut-être une panne dans le système de ventilation" dit Teal'c d'une voix dénuée d'émotion. Son esprit pragmatique ne lui autorisait manifestement aucune conjecture. Il haussa cependant le sourcil.
Le général Hammond échangea un regard avec O'Neill.
"Oui probablement", dit Jack en fixant Hammond.
Le général esquissa un sourire. Ils partageaient apparemment la même interprétation.
"Bonsoir mon général. Bonne nuit" dit Sam avec une moue dubitative. Elle lui tourna le dos et entra dans l'ascenseur avec Teal'c.
Jack attendit quelques secondes avant de les suivre et fut récompensé par un nouveau courant d'air. Un sourire éclaira son visage et il rejoignit les autres.
***
O'Neill gara son pick-up dans l'allée et descendit pour guider Sam qui arrivait derrière lui avec sa Volvo.
"Désolé. Je ne savais pas où entreposer tous ces moellons. Je suis… en train de construire quelque chose," expliqua Jack en enjambant les parpaings.
"Pas de problème. Si vous voulez qu'on vous donne un coup de main…" proposa immédiatement la jeune femme en sortant de la voiture.
"Vous pouvez également compter sur mon assistance O'Neill. J'ai l'intention de différer mon retour sur Chulak."
Un silence embarrassé accueillit la sortie du jaffa et le colonel se hâta d'ouvrir la porte et de les faire entrer. Une petite brise les accompagna, chargée des effluves des amandiers en fleurs.
"Alors, un poker ?" attaqua le colonel en sortant les bières du réfrigérateur. "Je sais que vous ne faites généralement pas partie des nôtres Carter, mais pour une fois ?"
"Pour une fois, ce sera avec plaisir, mon colonel."
"Laisser tomber les grades pour ce soir Carter. Nous allons jouer au poker, que diable !"
"Volontiers, à une condition."
"Laquelle ?" demanda Jack en posant les bières sur la table pendant que Teal'c battait les cartes avec la maestria d'un joueur professionnel.
"Ne m'appelez pas Carter…"
"Marché conclu !" s'exclama O'Neill. "Dorothée, vous ouvrez le feu !"
Sam dissimula un sourire et regarda ses cartes avec application.
***
Les missions de SG1 se succédaient sans que le général Hammond n'ait pris aucune décision quant à l'éventuel remplaçant du docteur Daniel Jackson. Personne ne se hasardait d'ailleurs à poser des questions. Les débriefings succédaient aux briefings. Le colonel O'Neill se comportait comme il s'était toujours comporté, du moins en apparence, Sam maigrissait et Teal'c… et bien Teal'c était Teal'c.
Le docteur Janet Fraiser mit les pieds dans le plat de manière bien involontaire.
"Mon général ?" commença le colonel O'Neill en frappant sur le battant entrouvert. "Est-ce que je pourrais vous voir une minute ?"
"Faites donc Jack ! Non, restez avec nous docteur. Si ce que vient me demander le colonel est bien ce à quoi je pense, j'aurais besoin de votre opinion." Fraiser hocha la tête et se rassit.
"Général, permission de parler librement ?"
"Je ne vous en demande pas moins mon garçon."
O'Neill adopta une posture réservée et en vint directement au but de sa visite.
"Mon général, mon équipe se désagrège. A trois, nous ne trouvons pas notre rythme. Il nous est impossible d'effectuer autre chose que des missions de routine. Teal'c se lasse et parle de retourner définitivement sur son monde, Carter consume toute son énergie non pas à agir mais à réagir. Je vous demanderais de bien vouloir nous accorder une permission, mon général."
"Je suis tout à fait d'accord avec l'analyse du colonel," interrompit le docteur. "J'ai promis à Sam de ne rien vous dire, mais son état physique est limite et je ne veux même pas aborder les problèmes d'ordre, disons psychologique, auxquels elle doit faire face."
Les deux hommes se tournèrent vers elle.
"Continuez, major, continuez." Le général fit signe à Jack de s'asseoir et se cala dans son fauteuil.
"Sam a dû gérer la perte de plusieurs personnes très proches en quelques mois. Sans jamais lever le pied. Je ne vais pas vous faire la liste mais Martouf, Orlin, Narim… Sans compter son inquiétude légitime pour son père. Les Tok'ra sont en très mauvaise posture. Et pour finir…" Janet baissa la tête incapable de continuer. Elle s'essuya discrètement les yeux. Le général soupira et Jack posa la main sur son épaule. "Sam a besoin de repos," poursuivit Janet qui s'était reprise. "Cependant, lui imposer une permission risque d'accentuer sa tendance à la dépression. Je suggère plutôt un changement radical pour quelque temps. Mais pas d'oisiveté ou de repos. Le remède serait pire que le mal."
"Et ?" demanda O'Neill.
"Pourriez-vous nous donnez une idée docteur," interrogea Hammond.
"C'est à vous de voir messieurs," conclut Janet en se levant. "J'ai des malades qui m'attendent. Si vous me permettez ?.."
"Faites, docteur faites," dit le général d'un air soucieux.
Un pli vertical barrait le front du colonel. Il étendit ses jambes sous le bureau de son supérieur, se croisa les mains derrière la tête et leva les yeux au ciel.
"Voilà une aide précieuse et une opinion avisée !" s'exclama-t-il. "Mon général ?"
"Jack, vous avez entendu le bon docteur. Trouvez une occupation à votre équipe. Je vous donne carte blanche. Si je peux vous faire une suggestion, peut-être pourriez-vous en profiter pour aller faire un tour à Washington. Tirer quelques sonnettes et nous rappeler au bon souvenir de nos partisans. Un peu de publicité est toujours une bonne chose," sourit le général.
La réaction de Jack ne se fit pas attendre.
"Les petits fours et les soirées pince-fesses… Mon général, non, s'il vous plaît !? Et Teal'c ? Je vois mal un Jaffa lâché au milieu des couloirs du Sénat."
"Teal'c suivrait SG5. Un de leurs hommes est à l'infirmerie pour un moment. Nos pertes sont énormes à l'heure actuelle, Jack. Il est inutile de vous le rappeler. Aller à Washington cirer quelques pompes est une nécessité si nous ne voulons pas que ce cher sénateur Kinsey essaie de nous couper encore une fois l'herbe sous le pied. Je vous laisse juge. Réfléchissez-y. Samantha a vécu à Washington. Renouer des contacts tout en faisant la promotion de notre programme lui ferait certainement le plus grand bien. En outre, vous seriez à ses côtés pour veiller au grain…"
***
Sam descendait les marches du Capitole avec l'aisance d'une danseuse du Crazy Horse. O'Neill la regarda s'approcher de lui, les yeux mi-clos, un sourire béat aux lèvres.
Il se laissait aller. Ce genre de pensées était à bannir quand il s'agissait des rapports à entretenir avec un officier en second. Travailler avec Sam Carter était un plaisir, et elle était certainement le meilleur officier à avoir jamais servi sous ses ordres. Mais dans certaines circonstances, qu'elle soit une femme ne lui simplifiait pas la tâche. Surtout quand ils devaient être en représentation comme ici à Washington. Il secoua la tête pour effacer toute trace de fantasmes interdits et lui serra la main gauchement quand elle arriva à sa hauteur.
"Mon colonel, désolée d'être en retard. Je ne me souvenais pas que je connaissais autant de monde. J'ai cru que je ne m'en sortirais jamais !" s'exclama-t-elle.
Ses joues avaient repris des couleurs, constata O'Neill avec un pincement de jalousie au cœur. Il se tança vertement et fit un effort pour lui sourire sans arrière pensées.
"Vous avez quelque chose de prévu ce soir ?" demanda-t-il d'un ton badin. "Un ancien soupirant éconduit, un futur petit ami, une vieille copine ?"
Un léger sourire flotta sur ses lèvres. Le colonel continua sur sa lancée et lui fit son air de chien battu. Elle n'avait jamais pu lui résister quand il faisait ces yeux-là.
"Nous avons quartier libre, mon colonel ! Rien d'officiel aujourd'hui, n'est-ce pas ?"
"Pas que je sache Carter. Quelle heure est-il ?" réfléchit Jack à haute voix en regardant sa montre. "Ca vous dirait d'aller vous rafraîchir et de sortir manger un morceau dans un de ces restaurants chics ? Je serais… votre père."
"Au moins mon grand-père, mon colonel !" rectifia Sam en souriant de toutes ses dents.
"Je vois que nous nous comprenons Carter," dit Jack en la prenant par le coude. "Je vous laisse une heure et on se retrouve dans le hall de l'hôtel. Ca vous va ?"
"Parfaitement mon colonel."
"Sam ?"
"Mon colonel ?"
"Si vous voulez que je passe pour votre grand-père, il va falloir que vous m'appeliez autrement."
***
O'Neill regardait son reflet pour la énième fois dans le miroir du bar. Il desserra sa cravate, ouvrit son bouton de col et se passa la main dans les cheveux. Un peu trop longs pour le service, mais après tout, il était en civil. Si seulement Carter arrêtait de claironner son grade…Il finit de siroter sa bière et consulta sa montre.
Qu'est-ce qui pouvait lui prendre aussi longtemps ?
Il allait faire signe au barman quand une voix éthérée murmura son prénom. Il se retourna d'un bloc pour voir entrer Sam qui venait le rejoindre. Elle était transformée. Son maquillage était un peu plus accentué, sa démarche plus légère à cause des talons. Sa jupe à godets dansait autour de ses genoux et un rang de perles brillait dans l'échancrure de son twin set en cachemire.
"Vous avez perdu quelque chose mon colonel ?"
"Non, j'ai entendu… Ca ne fait rien," éluda-t-il. "Je me demandais si nous sortions ce soir mais je suis content d'avoir attendu," ajouta-t-il en la détaillant sans vergogne.
"C'est la politique du chaud et froid mon colonel ?"
"Excusez-moi Carter, je suis un mufle. Vous êtes magnifique," ajouta-t-il en roulant des yeux. Il fit une petite grimace supplémentaire en la voyant rougir. "Je suis sincère major !"
"Je crois que j'ai perdu l'habitude des mondanités, monsieur. Je ne sais plus du tout comment faire. J'ai l'impression d'être déguisée. Et je suis désolée de vous avoir fait attendre."
"Si j'avais su que vous vous déguisiez comme ça, j'aurais pu attendre jusqu'à demain," plaisanta-t-il en la guidant vers la sortie.
Le portier arrêta un taxi en maraude. Quelques minutes plus tard, il les déposait devant le luxueux grill house où O'Neill avait fait des réservations.
"Ca me rappelle les sorties avec le général," dit-elle en s'arrêtant devant la porte.
Il s'effaça pour la laisser entrer et s'inquiéta. "Hammond ?"
"Non, le général Carter ! Il aime bien ce genre d'endroit. Enfin aimait… Dans une autre vie, c'est le cas de le dire…" Elle soupira.
"Vous préférez aller ailleurs ?" demanda-t-il en faisant signe au portier de ne pas tenir compte de leur présence. L'homme les salua et reprit sa posture.
"Si nous marchions ?" proposa Sam. "Je n'ai pas très faim. Il faut que je vous avoue quelque chose mon colonel."
Jack sentit son cœur s'arrêter de battre. Il inclina la tête. "Je vous écoute."
"Si les circonstances n'étaient pas ce qu'elles sont, je serais prête à admettre que ce retour aux sources me fait un bien fou. Je ne m'étais pas rendu compte que Washington me manquait à ce point. Je ne suis même pas sûre que ce soit Washington. En fait, J'ai tout simplement l'impression d'être en vacances !" Elle lui prit le bras machinalement. "Venez, je sais où nous allons aller. Ce n'est pas très loin. Vous aimez le jazz mon colonel ?"
"Oui. Et c'est Jack. Vous vous souviendrez ? J-A-C-K !"
***
Les murmures des clients n'arrivaient pas à couvrir la musique. Un trio jouait de vieux standards. Le pianiste plaqua un dernier accord et annonça un break. Les couples qui s'étaient formés sur la piste rejoignirent leurs tables.
Le serveur s'accouda au comptoir et désigna du pouce au barman le couple installé dans l'alcôve près de la scène.
"Militaires ? Qu'est-ce que tu en penses ? On parie ?"
"Pas sûr, Tony," répondit l'autre en essuyant le comptoir. "Le type me paraît bien romantique pour un militaire de carrière aussi âgé. T'as vu comme il la regarde ? Je me demande si elle s'en aperçoit. En tout cas, elle est bavarde !"
"Si tu entendais ce qu'elle lui raconte, tu comprendrais son air au vieux. Ca doit être une de ses nanas du Pentagone, toute fraîche émoulue de je ne sais quelle école ! Elle lui débite une espèce de charabia scientifique, je te fiche mon billet qu'il ne comprend pas un mot."
"On ne dirait pas. Il boit ses paroles."
"Je te dis qu'il ne comprend rien. Cette fille-là, elle pourrait lui réciter l'annuaire !"
"Moi je trouve que c'est un beau couple…"
"Le vieux a peut-être des talents cachés," rigola le serveur.
"Il faut toujours que tu sois aussi grossier ?" rétorqua le barman. "Ils ont l'air d'être bien ensemble. Qu'est-ce que ça peut nous faire… Tu peux pas l'avoir la fille, alors c'est pas la peine de déverser ta bile sur le mec," conclut-il en se retournant vers ses bouteilles.
"Oh, si on peut plus se marrer," jeta le serveur en s'éloignant. Un courant d'air le fit tressaillir et il alla vérifier que la porte de derrière était bien fermée.
"… qu'en inversant la polarité, nous pourrions sans doute pallier ce problème. Enfin, je l'espère. Nous pourrions alors dériver assez d'énergie pour enclencher le huitième chevron."
"Sam ?"
"Oui ?"
"Il faut que nous parlions."
"Ici ?"
"Ici ou ailleurs, l'endroit me semble aussi bien choisi qu'un autre."
"Si vous y tenez…" dit Sam d'une voix à peine audible en regardant loin au-dessus de l'épaule de son compagnon. Ses traits se figèrent et elle croisa les doigts nerveusement sur la nappe en papier.
Ainsi sa bonne humeur n'était que de la poudre aux yeux. Ou alors elle oublie de temps en temps et évidemment, la première chose que tu fais, c'est la rappeler à la réalité ! C'est trop tard, on dirait qu'elle va s'effondrer. Bien joué Jack… "Sam, je sais que c'est difficile, mais il faut absolument que nous crevions l'abcès. Je suis toujours votre ami Sam. Et je le resterai, même si nous devions ne plus jamais nous revoir. Vous le savez, n'est-ce pas ?"
"Oui,"murmura-t-elle dans un soupir.
Il tendit la main et la posa sur les siennes. Il se faisait l'effet d'un mauvais politicien. Hammond l'avait chargé d'une mission, il irait jusqu'au bout. Il se pencha en avant. "Sam, regardez-moi," intima-t-il d'une voix un peu trop forte.
Elle leva la tête et son regard transparent se fixa sur lui.
"Bien," dit-il en serrant doucement ses mains dans les siennes. "Il faut que nous parlions de la disparition de Daniel," murmura Jack.
"Non ! Je ne peux pas," protesta-t-elle en secouant la tête farouchement.
"Vous ne voulez pas. C'est complètement différent. Pour notre équipe, pour SG1, il faut que je sache. Il faut que je sois certain que vous me faites toujours confiance."
"Bien sûr !" s'exclama-t-elle, les sourcils froncés. "Quel rapport cela a-t-il avec Daniel ?"
"Je n'étais pas avec lui comme je l'aurais dû quand le… l'incident est arrivé. En outre, c'est moi qui ai demandé à Jake d'arrêter. Il aurait peut-être pu le sauver."
"Non."
"Pardon ?"
"Non. J'en ai parlé avec mon père. Il n'aurait sans doute rien pu faire d'autre que prolonger les souffrances de Daniel. Même lui implanter une larve goa'uld était impossible au vu de la détérioration de ses organes. Selmak n'était pas désireux de faire quoique ce soit. Il a accepté pour moi. Et pour mon père. Vous avez pris la bonne décision, Jack."
"Vraiment…" dit Jack d'un absent. Un courant d'air fit voleter une mèche de cheveux sur sa tempe.
"Vraiment."
"Bon," il se racla la gorge et serra ses mains plus fort. "Nous devons aussi parler de SG1. Je n'ai pas encore pris de décision, mais je songe à prendre ma retraite. Encore une fois," sourit-il. "Je compte vous recommander auprès de Hammond. Je souhaiterais que vous commandiez SG1."
"Non."
"Comment ça non ? Est-ce que vous savez dire autre chose que non ce soir ? Vous refuseriez un commandement ?"
"Non…" elle sourit et hésita avant de se jeter à l'eau. "Je ne veux pas que vous partiez."
"C'est un ordre major ?" plaisanta Jack. Il entendit sa voix trembler malgré lui.
"Jack, je ne veux pas vous perdre vous aussi. Pas après Daniel."
"Vous pourriez venir me voir et me raconter vos exploits."
"Ce ne serait pas la même chose. Si vous partez, Teal'c retournera sur Chulak et s'en sera fini de SG1. Je crois que je préférerais encore rejoindre mon père," s'énerva-t-elle. Elle retira brusquement ses mains et se tourna vers la scène où les musiciens reprenaient place.
Un des musiciens s'empara du micro et le posa sur le piano. Le bassiste accorda méticuleusement son instrument pendant que le batteur marquait le tempo avec ses balais.
"Mesdames et messieurs," annonça le pianiste, "l'heure bleue."
Sam sourit tristement et inspira profondément. "Je venais ici autrefois. Avec Jonas."
"Je vois," dit Jack en se rejetant en arrière sur son siège, le visage fermé.
"Il détestait cet endroit. Il détestait cette musique."
"Ah…" commenta-t-il.
Certains jours quand ça ne va pas
Quand le monde est froid
Penser à toi me réchauffe et je me souviens de toi
Telle que tu es ce soir
"Excusez-moi… Je…. Je n'aurais pas dû. Jack, je ne suis pas certaine de vouloir retourner à Colorado Springs si vous n'êtes plus au SGC. La mort de Daniel m'a fait reconsidérer mes priorités."
"Vous pensez qu'il est mort ?"
"Je préfère voir les choses ainsi. Si je veux arriver à m'en sortir. A faire le deuil de Daniel et des autres."
Les larmes jaillirent sans qu'elle puisse les retenir. Elle repoussa sa chaise et s'enfuit vers les lavabos en balbutiant d'autres excuses. Jack la regarda partir en courant et se demanda s'il devait la suivre. Sans doute pas. Il avait la désagréable impression d'avoir déclencher plus de problèmes qu'il n'en avait résolu et d'avoir gâché la soirée. Sam avait raison. Ce n'était pas le bon moment.
Ni le bon endroit. Quel imbécile !
Il serra les mâchoires en espérant qu'il pourrait rattraper le coup et reporta son attention sur le trio.
Tu es si belle
La chaleur de ton sourire
La douceur de ta joue
Que puis-je faire d'autre que t'aimer
Telle que tu es ce soir
Il se mit à réfléchir. Qu'est-ce qu'il espérait de ses confidences ? Qu'elle le dissuade de partir ? Elle l'avait fait. Qu'elle se confie à lui ? Pas le bon endroit. Pas le bon moment non plus. Il avait le chic pour…
"Je suis désolée," murmura Sam à son oreille en posant la main sur son épaule. "Ca m'arrive sans arrêt et je me demande si j'arriverai à remonter la pente. Vous avez raison. Nous devions avoir cette conversation."
Génial. On peut dire qu'ils étaient vraiment décalés !
"Venez," dit-il en se levant. Il la prit par la taille et l'entraîna sur la piste.
Je vois ton amour grandir
Et mes peurs s'envolent
Ces rides sur ton nez quand tu ris
Me font perdre la tête
"C'est ce que vous avez fait la première fois que je vous ai vue. Froncer le nez."
"Vous vous souvenez de ça ?" rougit-elle en dissimulant son visage contre son épaule.
"Bien sûr. Et de beaucoup d'autres choses, Dorothée. Voulez-vous toujours faire ce bras de fer ?"
Elle rit silencieusement et s'appuya contre lui en se laissant guider par la musique.
Ma chérie, ne change jamais
S'il te plaît
Garde ce charme qui me coupe le souffle
Car je t'aime
Telle que tu es ce soir
"Redevenez vous-même Sam," murmura-t-il, la bouche enfouie dans ses cheveux. "Je ne peux rien faire pour changer le passé mais accordez-moi la possibilité de changer l'avenir pour vous. Faites-moi confiance. S'il vous plaît," demanda-t-il en s'écartant. Il la prit par le menton et releva son visage vers lui.
La musique s'arrêta. A sa grande surprise, elle se rapprocha et il sentit sa respiration contre ses lèvres.
"Allons-nous en," dit-elle d'une voix rauque en serrant sa main doucement. "Je vais prendre mon sac."
***
Jack leva la tête. "Entrez!"
"Mon colonel, vous permettez ?"
"Qu'est-ce que c'est docteur ? J'ai passé la visite hier," commença O'Neill.
"Tout va bien mon colonel. Je viens vous parler de Sam."
"Ah…" dit Jack en se rejetant en arrière sur son fauteuil. "Asseyez-vous docteur. Je ne vois pas en quoi je peux vous être utile." Ainsi son petit jeu de cache-cache avec Janet avait fait long feu.
"Jack, vous savez que cette conversation restera entre nous," temporisa Janet. Puis elle entra dans le vif du sujet. "Que s'est-il passé à DC ? Sam va encore plus mal qu'avant votre départ. Je crains de ne même plus pouvoir l'autoriser à partir en mission."
"Rien," répondit-il avec un air de défi en la regardant droit dans les yeux. "J'ai voulu l'aider mais elle a refusé," continua-t-il. Il se mit à jouer machinalement avec son stylo. "Enfin, pas exactement, j'ai voulu faire avancer les choses. Mais ça n'a pas marché."
"Est-ce que vous pourriez être un peu plus explicite monsieur ?"
"Non. Je ne peux pas. Ce qui s'est passé ne concerne pas le SGC."
"Vous ne me dissimulez pas quelque chose d'important mon colonel ?"
"Docteur, n'insistez pas," demanda-t-il d'un ton las. "Sam ne m'adresse plus la parole. Depuis des jours. Je vous assure que je ne sais pas ce qu'elle a." Il hésita. "Je sais peut-être ce qu'elle a. Je crois que c'est ma faute."
L'alarme qui retentit dans la base l'empêcha d'aller plus loin. Il jaillit de son siège et partit en courant vers la salle de commande. Le docteur Fraiser hésita puis se précipita sur ses talons. Qui sait, il se souviendrait peut-être qu'il avait décidé de se confier à elle.
"C'est un signal asgard, monsieur," dit Sam en se tournant vers Hammond. Elle aperçut Jack et Teal'c qui débouchaient dans la pièce et se concentra sur ses consoles, dissimulant son visage derrière sa main. Elle garda la main sur l'oreillette de son casque. "J'ouvre l'iris."
"Thor ?" l'interrogea Hammond.
"Je ne pense pas mon général. Les Asgards nous ont assurés que Thor était dans le coma. Son état était très préoccupant. Je ne vois pas comment…"
"Ce sont des Asgards, Carter," glissa Jack en se penchant vers elle.
"C'est Heimdall !" s'écria-t-elle en arrachant son casque. Elle fit un signe à l'alien qui descendait la passerelle et bouscula presque Jack pour aller à sa rencontre. "Je suis contente de vous voir Heimdall" dit-elle en étreignant le petit alien gris. "Est-ce que Thor va mieux ?"
"Hélas, Samantha, son état demeure inchangé," rapporta Heimdall d'une voix douce. "Salutations. Vous êtes Hammond, le chef de ce complexe ? Salutations O'Neill, et Teal'c de Chulak," ajouta-t-il en s'inclinant. "Une fois de plus, le peuple asgard est venu requérir l'aide de la Tauri. Nous vous sommes déjà éternellement redevables. Cette dette risque cependant de s'éteindre avec la disparition de notre race. C'est pourquoi le grand conseil m'envoie. Il a accepté de mettre un terme à son veto."
"Heu…" dit Jack en s'approchant. "Et ça nous concerne ?"
"Tout à fait O'Neill. Les expériences que je mène nous permettrons, je l'espère, de garantir la pérennité de notre espèce."
"Comme… ?" insista-t-il.
"Mon colonel, je pense que les Asgards ont besoin d'échantillons d'ADN," expliqua Sam en évitant de regarder son supérieur.
"Major Carter ? Vous nous expliquerez cela dans la salle de briefing," les interrompit le major général Hamond d'un air soucieux. Une fois réglée cette affaire avec les Asgards, il aurait une petite conversation avec ces deux-là. "Heimdall, si vous voulez nous suivre."
Heimdall s'inclina et les suivit.
***
Tous les participants se taisaient, les yeux fixés sur Heimdall. Les implications de sa demande étaient phénoménales. Hammond respirait bruyamment en se mordant la lèvre inférieure. Jack démontait son stylo et le remontait pour la dixième fois, Teal'c serrait les dents. Quant à Sam, elle se leva, prit l'alien dans ses bras pour la seconde fois et lui murmura quelque chose à l'oreille.
Jack foudroya son second du regard et ouvrit la bouche mais Hammond l'interrompit d'un geste.
"Major Carter ! Dites-moi que j'ai bien compris ce que demande notre ami," aboya-t-il.
Elle se releva et ses yeux se posèrent brièvement sur le colonel. "Les Asgards ont construit leur civilisation sur leur habilité à exploiter le clonage. Or, leur physiologie se dégrade rapidement en raison de l'absence d'apports extérieurs. Il y a six mois, les Asgards ont mis la main sur l'un de leurs vaisseaux. Ce vaisseau d'exploration avait été porté disparu depuis plus de 30 000 ans, et tout l'équipage mis en animation suspendue."
Jack siffla entre ses dents. "30 000 ans ?… chhhhhhhhh"
Hammond fronça les sourcils.
"Un seul spécimen a été retrouvé," continua Carter. "Retrouvé en bon état. Toutes les autres capsules avaient été endommagées. Heimdal espère régénérer leur race en utilisant l'ADN de leur ancêtre. C'est là que nous intervenons."
"C'est une plaisanterie Carter ?" s'exclama Jack. "J'ai vu le film. C'était des dinosaures pas des aliens, sauf votre respect Heimdall !"
"Je pense avoir moi aussi vu ce film," approuva Teal'c. "Il s'agit de Crétacé Park."
"Jurassique, Teal'c, Jura…"
"Colonel !"
Jack hocha la tête et secoua la main. Le Jaffa se tourna vers lui et il lui fit un signe de dénégation. "Pas maintenant," murmura Jack. Teal'c eut l'air de ne pas comprendre mais se tut néanmoins.
"En réalité, mon général, le colonel O'Neill a raison," expliqua Sam.
"Ah" dit Jack silencieusement en écartant les mains en mode jesavaisbienquej'avaisraison.
"Les Asgards veulent introduire des séquences d'ADN humain dans leur séquençage," dit platement le docteur Fraiser.
"Ils peuvent faire ça ?" s'étonna Jack.
"Ils maîtrisent la technique mon colonel," ajouta Janet. "C'est à nous de décider si nous acceptons d'utiliser notre patrimoine génétique pour les aider."
"Je vois," dit Hammond. "Votre avis major ?"
"Je suis volontaire mon général !" répondit-elle.
"Merci, major Carter," dit Heimdall. "Je suis très touché. Je dois cependant vous informer que nous requérons plus que la fourniture d'échantillons."
"Que voulez-vous dire ?" s'inquiéta le général.
"Nous avons besoin de deux spécimens humains."
"Vivants ?" demanda Jack.
"En effet O'Neill," dit Heimdall en s'inclinant. "Une femelle et un mâle. Nous serions honoré que vous et le major Carter soyez nos sauveurs."
"Heu… je ne crois pas… je… Carter ? Vous êtes d'accord pour y aller ?" dit Jack à mi-voix en se penchant sur la table de conférence. Il agrémentait ses mots de grimaces. Elle hocha la tête. "Ca marche Heimdall. Vous pouvez compter sur moi… et sur le major Carter !" conclut Jack avec un grand sourire.
Sam baissa la tête et sourit, elle aussi.
"Avec l'accord du général Hammond, je vous demanderais donc de me suivre sur notre monde en vu d'effectuer les premiers tests de compatibilité."
"Heu… Maintenant ?" dit Jack d'une voix hésitante.
"Oui. O'Neill."
"Mon général, permission de parler franchement," dit Sam.
"Faites major."
"Nous avons la chance de pouvoir apporter notre contribution à une entreprise qui dépasse nos compétences actuelles. Non seulement la Terre en sortira grandie mais nous avons certainement beaucoup à apprendre. Mon général."
"Major Carter, j'allais juste dire que vous aviez le feu vert. A moins que le docteur Fraiser ne s'y oppose."
Jack regarda le docteur, alarmé. "Elle ne s'y opposera pas ! N'est-ce pas docteur ?"
"A vrai dire… Non…"
Jack et Sam pâlirent.
"… Je ne compte pas m'y opposer," déclara Janet avec un regard de connivence au colonel.
"Bien ! Dans ces conditions, colonel, major, vous pouvez partir. Teal'c servira de liaison. Il reste à notre petit ami à nous fournir un moyen de les contacter et éventuellement de les rejoindre."
***
Jack tourna un moment sur lui-même en marmottant des paroles incompréhensibles, puis s'engagea dans le corridor de droite. Au bout de quelques dizaines de mètres, il rebroussa chemin, les mains toujours enfoncées dans les poches, le nez au vent et il partit à grandes enjambées dans la direction opposée. Un rayonnement d'une blancheur aveuglante l'interrompit dans sa course et il entendit la voix de Heimdall l'interpeller dans son dos. Il pivota sur lui-même et ouvrit la bouche pour faire une remarque bien sentie mais l'Asgard le devança.
"O'Neill. Je me dois d'insister, mais votre présence est requise à heure fixe et le moindre manquement au protocole…"
"Ca va, ça va, j'ai compris ! Je me suis juste… comment dire ? Perdu !! " s'écria-t-il. "Perdu ! Je ne sais pas comment c'est possible de se retrouver dans tous vos souterrains. Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de poteaux indicateurs ? Hein ?" dit-il plus doucement en se penchant vers le scientifique.
"Je ne suis pas familier avec cette expression O'Neill. Veuillez expliquer, je vous prie," demanda l'Asgard en s'approchant de O'Neill, un ustensile à la vocation indéterminée dans les mains.
Jack recula et continua en dansant autour de l'extra-terrestre comme sur un ring. "Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas aller à la surface ? Ah, bonjour Carter, bien dormi ?" lança-t-il, son attention déviée par l'apparition de son second. Heimdall en profita pour faire son prélèvement et Jack se retourna "Ouille ! Je vous ai déjà dit de ne pas faire ça !" hurla-t-il en se massant les reins.
"Bonjour Heimdall, bonjour mon colonel ! Belle journée," dit Carter en découvrant une partie de son dos.
Heimdall effectua un autre prélèvement. "Belle journée major Carter."
"Comment vous le savez ? On ne voit rien de ce qui se passe dehors !" gémit O'Neill.
"Mon colonel, je vous ai déjà expliqué. C'est une formule de politesse."
"Et pour sortir ? Vous allez m'expliquer quand ?" s'énerva O'Neill. "Je suis en train de devenir fou enfermé entre tous ces murs !"
"J'ai promis d'aider Heimdall mon colonel. En outre, je vous ai déjà expliqué," dit-elle en insistant sur le mot 'déjà'.
"Encore ?! Mais vous l'aidez depuis presque trois semaines Carter !" dit Jack d'un ton plaintif.
"Major, je peux me passer de votre concours, si vous le désirez."
"Carter, soyez sport ! Expliquez-moi encore une fois ! Je vous promets que je ne vous embêterais plus avec ça ! Parole d'irlandais !" Voyant que Sam tergiversait, il insista. "Si je tombe malade…"
"Heimdall, je vais servir de garde-malade au colonel aujourd'hui," dit-elle avec un clin d'œil.
Jack se renfrogna. "Je vous assure que quand j'essaye, ça ne marche pas Carter."
Sam le prit par la main sans qu'il oppose de résistance et le traîna jusqu'à la console. Elle déplaça rapidement quelques galets translucides et attendit. Un éclair blanc les enveloppa et ils se retrouvèrent à l'extérieur du complexe souterrain. D'immenses vaisseaux les survolaient paresseusement et le ciel sans nuage était d'un bleu pâle. Jack prit une profonde inspiration sans lâcher la main de son second. Il se frappa la poitrine de sa main libre et émit un petit hululement de contentement.
"Merci Carter ! J'ai cru devenir fou ! J'ai dû aller dans des douzaines d'endroits différents depuis que vous m'avez montré sans jamais réussir à sortir de ce maudit… Peu importe ! Carter ? Pourquoi est-ce que vous m'évitez ? C'est à cause de ce qui s'est passé à Washington ?"
Elle lui lâcha la main et le regarda comme si elle ne l'avait jamais vu. Est-ce qu'il se moquait d'elle ? Est-ce qu'il voulait seulement la faire souffrir ? Elle imagina ce que Daniel pourrait dire dans un moment pareil et les larmes lui montèrent aux yeux. "Vous voulez dire à cause de ce qui ne s'est PAS passé à Washington… monsieur ?"
"Carter. Vous savez que c'est impossible. Nous sommes dans l'armée…"
"Ne recommencez pas avec vos échappatoires colonel O'Neill. L'armée ne signifie pas que nous avons fait vœu de chasteté !"
"Heu…" temporisa Jack. Où diable voulait-elle en venir ? D'où sortait cette colère ? Il pensait qu'elle était fâchée. Pas… fâchée.
"Vous auriez le droit de fraterniser avec toutes les extraterrestres de la galaxie, et moi dès que je rencontre quelqu'un vous me faites un foin de tous les diables ! J'ai tué Martouf, vous devriez être content ! Un de moins ! Ce cher ambassadeur ? Disparu, par ma faute ! Orlin ? Aucune chance qu'il reste, n'est-ce pas ? Narim ? Pulvérisé !"
"Sam…"
"Ne m'appelez pas Sam ! Vous n'en avez pas le droit. Plus maintenant. Pas après ce que vous avez osé me dire ! Qu'est-ce que vous voulez que je pense ? Qu'est-ce que vous voulez que je conclus ?" finit-elle d'un ton rageur en enfonçant son index dans sa poitrine.
Il recula. "Est-ce que vous croyez que Heimdall est une fille ?" dit-il platement.
Elle se mordit les lèvres. Il n'allait pas lui faire le coup de se défiler. Pas cette fois. "J'attends."
"Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise Carter ! Je vous ai proposé un commandement…"
"Ne détournez pas la conversation mon colonel ! Que s'est-il passé à Washington ? Vous me devez une explication. Vous ne pouvez pas m'avoir alors je ne peux être avec personne ? Qu'est-ce que je suis ? Votre chose ?"
Il ferma les yeux et baissa la tête. Le souvenir de ce soir le hantait depuis des semaines. Pourquoi avait-il dit ça ? Il n'en avait aucune idée. En tout état de cause, il n'avait pas eu le temps de s'expliquer car elle l'avait quitté immédiatement. Elle avait ramassé ses chaussures, enfilé son petit gilet et l'avait planté là sans un mot. Après son départ, il était resté sans bouger derrière la porte, le visage barbouillé de rouge à lèvres.
Depuis, c'est à peine si elle le regardait. Ou lui adressait la parole. Bien, joué Jack ! Il ne se rappelait que trop bien de ce qu'il lui avait dit en la repoussant.
"Vous délirez Carter ! Qu'est-ce qui vous prend ? Ce n'est pas parce que nous sommes à DC que je ne suis plus votre supérieur !"
Plus votre supérieur…
D'où est-ce qu'il sortait ça ? Aucune idée…
Depuis qu'il connaissait Carter, l'attirance physique qu'il ressentait pour la jeune femme s'était muée en admiration pour son courage au combat et ses compétences scientifiques. Le temps passant, cette admiration s'était transformée en un sentiment bien plus doux qu'il refusait d'avouer.
En réalité, il savait qu'il ne la méritait pas. Et s'arrangeait pour la rejeter. C'est quelque chose qu'elle n'avait jamais fait.
Alors qu'il remâchait depuis cinq ans son "Pas comme ça major Carter" et regrettait de ne pas avoir cédé à la tentation…. Après tout, lui aussi était infecté, non ? Sans compter ce qui s'était passé dans ce complexe souterrain, quand ils avaient perdu la mémoire. D'un commun accord, ils avaient jeté cette brève relation aux oubliettes. Anise les avaient démasqués, mais ils avaient tenu bon et maintenu leur ligne de conduite…
"Carter, vous ne pouvez pas dire une chose pareille ! Vous savez que c'est faux."
"J'attends."
"J'ai eu peur. J'ai eu peur de mettre votre carrière en danger."
"Je suis une grande fille colonel. Nous savons tous les deux que vous mentez. J'attends toujours."
"J'ai eu peur de m'engager. Voilà ! Vous êtes contente ?" s'exclama-t-il furieux comme un enfant surpris en flagrant délit. Devant son air abattu, il regretta son emportement. Il essaya de la prendre dans ses bras mais elle se dégagea violemment. "Sam, je suis désolé."
"Ca m'est totalement égal que vous soyez désolé Jack. Vous m'avez blessée. Je pensais que vous saviez ce que je ressentais. Je l'ai cru quand j'ai trouvé les plans chez vous."
"Les plans?"
"Les plans d'agrandissement de la maison, Jack. Les moellons… Vous vous souvenez ?"
"…"
"J'ai cru que c'était pour moi. Pour nous. Je ne pensais pas que vous nous cachiez une petite amie colonel," dit-elle d'un ton amer. "Excusez-moi. Je n'ai pas le droit de vous dire ça. Vous avez été très clair."
"Sam vous savez très bien que ma vie sentimentale est un désert."
"Je suis certaine que le lieutenant McAllister sera enchantée de l'apprendre," lança Sam.
"Oh… vous avez su…"
"Oui. Je sais que vu votre position au SGC, vous êtes aussi son supérieur. Il y aura donc toujours deux poids et deux mesures mon colonel. Prenez donc votre retraite, je retourne à Washington dès notre retour au SGC. On m'a proposé un poste d'ambassadeur auprès des conseils aliens. Je crois que je vais accepter. En mémoire de Daniel. Il aurait voulu que l'on continue ce qu'il avait entrepris. Je vais vous laisser herboriser. J'ai du travail qui m'attend," dit-elle en sortant un galet de sa poche.
Elle avait disparu avant qu'il puisse répondre.
Ca devenait une habitude.
***
Il fit demi-tour puis revint frapper à la porte de ses quartiers. Personne ne répondit. Il frappa plus fort et fit tourner la poignée qui n'opposa aucune résistance. La veilleuse l'accueillit et il referma la porte doucement en jetant un coup d'œil dans le couloir désert. Ce n'était pas la première fois qu'il venait rendre visite à Carter dans ses quartiers, mais certainement la première qu'il entrait sans y être invité. Il appela doucement, surpris qu'elle ne sorte pas de la salle de bain en entendant le bruit de la porte. Tandis qu'il s'approchait de son lit, une enveloppe attira son regard. 'Colonel O'Neill'. De son écriture soignée. Rien à voir avec ses pattes de mouche de militaire. Il tendit la main et la retira brusquement, comme s'il venait de se brûler.
Comment savait-elle qu'il viendrait la voir ? Il était donc si prévisible. Une vague de découragement le submergea. Il arrivait trop tard. Cette fois, Daniel n'était plus là pour lui sauver la mise. La curiosité l'emporta et il s'assit sur le lit pour décacheter le lettre.
Comme il s'y attendait, elle lui confirmait ce qu'elle lui avait dit pendant leur période de cobayes volontaires. Elle lui souhaitait bonne chance. D'une manière très officielle. Une lettre qu'il pourrait montrer à toute la base. Même punaiser sur le tableau commun au mess.
Il décrocha le téléphone et appela le planton à la sortie du Complexe de Cheyenne Mountain.
"Le lieutenant colonel Carter a quitté la base ? Merci, j'attends… Deux heures ? Merci airman," dit-il en raccrochant.
***
Le lieutenant colonel Carter se retourna vers son cavalier et lui adressa un sourire éclatant. Elle posa sa main gantée de noir sur la main du jeune aspirant et se dirigea vers les danseurs qui évoluaient sur la piste. Les appliques et les plafonniers en cristal miroitaient. Les miroirs qui tapissaient les murs de la grande salle reflétaient les couples qui virevoltaient. Harry Connick, jr enchaînait les standards.
Cette soirée de charité ne se déroule pas si mal, pensa Sam en s'appliquant à sourire. Au moins son cavalier était de sa taille. Enfin presque. Pas plus petit en tout cas.
Elle le détailla sans en avoir l'air et remarqua les fines gouttelettes de sueur qui perlaient sur son front tandis qu'il se concentrait sur son rôle de faire-valoir de la nouvelle ambassadrice nommée en remplacement de Joseph Faxon qui avait été porté disparu en Afrique. Ou en Chine… Il ne se rappelait plus.
L'orchestre arrêta de jouer et elle libéra son cavalier en le remerciant. Elle lui tourna délibérément le dos et se dirigea vers le bar. Il était temps de passer aux choses sérieuses.
Certains jours quand ça ne va pas
Quand le monde est froid
Penser à toi me réchauffe et je me souviens de toi
Telle que tu es ce soir
Sam dressa l'oreille. Cette soirée avec Jack lui parut soudain si lointaine et surréaliste qu'elle se surprit à avoir des regrets. La tête baissée, elle se laissait bercer par la voix suave du crooner tout en évitant les couples qui s'enlaçaient sur la piste.
"M'accordez-vous cette danse ? " dit une voix connue. L'homme la prit dans ses bras sans attendre de réponse.
Elle trébucha et se retint à lui. " Mon colonel ? "
"Madame l'Ambassadrice."
"Je préfère Madame l'Ambassadeure si ça ne vous fait rien, colonel O'Neill," répondit-elle d'une voix tranchante. Bien joué Jack, pensa-t-elle. Impossible de faire un esclandre ici.
Ses yeux noisette se mirent à briller. "Madame l'Ambassadeure," dit-il d'une voix traînante, essayant de la maintenir captive de son regard. Il se pencha dangereusement et elle sentit son souffle sur son cou.
Elle se dégagea de son étreinte et continua à danser en distribuant des sourires à la ronde. Quelqu'un lui murmura quelques mots et elle acquiesça, toujours le sourire aux lèvres.
"N'espérez pas me faire changer d'avis, colonel."
"Je n'en ai pas le moins du monde l'intention."
Tu es si belle
La chaleur de ton sourire
La douceur de ta joue
Que puis-je faire d'autre que t'aimer
Telle que tu es ce soir
Elle rougit en entendant les paroles et évita de regarder O'Neill. Elle se rendait compte à son corps défendant que le colonel lui avait manqué. Elle frémit en sentant sa main glisser le long de son dos. Son tremblement n'avait pas pu lui échapper. Elle se redressa et elle écarquilla les yeux en voyant qu'il dansait les yeux fermés et qu'elle lisait sur ses lèvres les paroles de la chanson.
Je vois ton amour grandir
Et mes peurs s'envolent
Ces rides sur ton nez quand tu ris
Me font perdre la tête
Il ouvrit les yeux brusquement et murmura la suite à son oreille.
Ma chérie, ne change jamais
S'il te plaît
Garde ce charme qui me coupe le souffle
Car je t'aime
Telle que tu es ce soir
Sam se raidit. Comment osait-il ? Elle sentait ses lèvres dans son cou. Vraiment, il ne manquait pas de culot. Il croyait sans doute la faire craquer alors qu'il l'avait repoussée au nom de ses grands principes ? Il avait fait de ces dernières semaines un enfer, au moment où elle n'avait jamais eu autant besoin de lui ! Elle pencha la tête en arrière et le fusilla du regard. Il la lâcha brusquement, sortit quelque chose de sa poche et lui prit la main.
"Colonel O'Neill !" s'exclama-t-elle en le voyant s'agenouiller devant elle.
Elle entendit distinctement une femme s'exclamer, "Oh mon dieu, John, comme c'est romantique…"
Un courant d'air fit voleter son écharpe de soie et elle abandonna la partie.
***
"A l'hôtel ?!"
"Oui."
"Et alors ? Ca valait le coup d'attendre aussi longtemps ?"
"Janet !!!"
"C'était pour rire Sam !" s'excusa Janet. "Et ?…"
"… et il s'est retourné vers moi et il m'a dit : quand je t'ai vu la première fois, j'ai pensé que ce serait plus difficile. Et il m'a fait CE sourire."
"Ahh… CE sourire…"
"Oui," dit Sam en regardant le solitaire qui brillait à son doigt.
FIN
Voilà les paroles originales de la chanson que j'ai pris la liberté de traduire (publié sans autorisation)
The Way You Look Tonight by Kern & Fields
Some day when I’m awf’ly low
When the world is cold
I will feel a glow just thinking of you
And the way you look tonight
Oh but you’re lovely
With your smile so warm
And your cheek so soft
There is nothing for me but to love you
Just the way you look tonight
With each word your tenderness grows
Tearing my fear apart
And that laugh that wrinkles your nose
Touches my foolish heart
Lovely – never never change
Keep that breathless charm
Won’t you please arrange it
‘Cause I love you
Just the way you look tonight