LE CHAPEAU DE TEAL'C

Auteure : Xeen

e-mail : Xeen67@hotmail.com

http://communities.msn.fr/Forcryingoutloud

Statut : complet

Genre : aventure, romance

Spoilers : Solitudes, Beneath the Surface, Between Two Fires, Meridian

Résumé : et si Jack et Sam s'étaient retrouvés ailleurs qu'en Antarctique ?

Disclaimer : les persos appartiennent à Showtime/Viacom, MGM/UA, Double Secret Productions et Gekko Productions; je ne gagne pas un sou en écrivant ces histoires.

MERCI DE NE PAS PUBLIER SANS MON ACCORD

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Le chapeau de Teal'c

Xeen (copyright avril 2002)

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PROLOGUE

 

 

"Excusez-moi… madame," interrompit le colonel Jack O'Neill en s'avançant sur la rampe métallique qui menait à la porte des étoiles, "si je résume, vous venez de traverser notre iris en… titanium ?"

Il se tourna vers le major Carter pour avoir confirmation mais il ne réussit même pas à attirer son attention. Le major, tétanisée, regardait fixement la vieille dame qui descendait la passerelle comme si elle avait vu un spectre.

"Bon d'accord," continua le colonel, "notre iris en je ne sais pas quoi…"

Il agitait les bras dans tous les sens, prenant les soldats qui les tenaient en joue à témoin. Daniel baissa la tête et Teal'c attendit qu'il termine.

"… En tout cas, ce que je sais c'est qu'il est assez résistant pour que vous ne puissiez pas passer au travers ! En tout cas, c'est ce qu'ON m'avait dit ! " s'écria-t-il en se retournant encore vers son second, un soupçon de reproche nettement perceptible dans sa voix. "… ou alors, on a encore oublié de me donner mes mémos !" conclut-il en levant les yeux vers la salle de contrôle.

"Mon colonel, si vous permettez…" commença Carter qui sortait enfin de cet état de transe inhabituel.

"Quoi encore Carter ! On rentre ici comme dans un moulin ! Et cette dame n'est pas une Thollan ou alors il n'y a pas que mes mémos qui ne me parviennent pas !" jeta-t-il en désignant l'intruse.

"Mon colonel, si vous me laissiez…"

"Jack," les interrompit Daniel en s'avançant. Il tendit la main vers la visiteuse en accompagnant son geste d'une mimique expressive et d'un hochement de tête. "Vous ne la reconnaissez vraiment pas ?"

"Hein, quoi ?! Daniel ?" dit Jack qui continuait à s'agiter.

"Mon colonel, c'est ce que j'essaie de vous dire depuis un moment," insista Carter. "Cette personne…"

"Et bien quoi Carter ! Allez-y pour l'amour du ciel !" s'exclama O'Neill.

"Un problème colonel ?" intervint le général Hammond du haut de la salle de contrôle.

"Je maîtrise la situation mon général ! N'est-ce pas Carter ?"

La jeune femme lui jeta un regard amusé et mit les mains derrière son dos.

Si elle n'avait pas changé…

"Jack… " dit la vieille dame. "C'est moi, Jack. Tu es encore plus beau que dans mon souvenir," ajouta-t-elle en finissant de descendre la rampe. "Daniel !" protesta-t-elle quand l'archéologue l'étreignit fougueusement. "Sam…" Elle lui tendit les bras.

"Est-ce que quelqu'un va consentir à m'expliquer ce qui se passe ?" s'écria le colonel, exaspéré.

Carter lui jeta un regard en coulisse et prit dans la sienne la main de la vieille dame. Face à O'Neill, main dans la main comme deux écolières, elles lui souriaient du même sourire lumineux.

"Mon colonel," dit Carter d'un ton emphatique, "Samantha Carter," annonça-t-elle.

Le colonel eut un hoquet, vérifia autour de lui que personne ne riait sous cape et admit qu'il était bien réveillé.

"Carter ?!"

"Je n'en sais pas plus que vous mon colonel," sourit Carter.

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

 

Le champ gravitationnel fluctuait tandis que le stargate était soumis à des montées d'énergie hors normes. Les moniteurs montraient des séries de chiffres aberrants et c'était le branle-bas de combat au niveau de la salle d'embarquement et du poste de contrôle.

Soudain le corps de Daniel Jackson fut expulsé à grande vitesse du vortex et retomba lourdement sur la passerelle. Hammond se précipita et retourna le corps immobile. Il était vivant. Assommé mais vivant. Un deuxième corps jaillit et roula en rebondissant sur la rampe. Le vortex vacilla dans les cris et les cliquetis d'armes automatiques en batterie et les ordres des infirmiers qui entouraient Daniel inconscient. Le champ gravitationnel disparut puis se re-matérialisa avant de s'effondrer définitivement.

"Teal'c ? Vous allez bien ?" demanda le général Hammond aussitôt qu'il vit le vortex s'était refermé brutalement derrière les deux civils.

"Je vais bien," opina Teal'c. Il aperçut le corps inanimé de l'archéologue et se retourna vers le stargate d'un air dubitatif.

"Où sont le colonel O'Neill et le capitaine Carter?" insista Hammond.

"O'Neill et le capitaine Carter se trouvaient quelques mètres derrière moi quand nous avons franchi la porte, général Hammond," dit le Jaffa en regardant autour de lui comme si les deux officiers allaient sortir de derrière les soldats qui se mettaient au repos. "Je ne comprends pas : ils devraient être ici."

L'inquiétude se lisait sur son visage naturellement impassible.

*

Les doigts du général tambourinaient avec force sur son bureau. Les sourcils froncés, plongé dans ses réflexions, il regardait sans les voir Daniel Jackson et Teal'c.

Le jeune archéologue commençait à s'agiter. S'il n'avait pas été insomniaque, jamais il n'aurait vu ni senti cette secousse au SGC. Il avait conscience que sa proposition pouvait paraître absurde mais, au nom du ciel, comme aurait dit Jack s'il avait été là, ils n'avaient rien à perdre sinon de retrouver le capitaine Carter et le colonel O'Neill sain et sauf.

Tous les hommes du SGC étaient dans l'expectative de la décision du général et plusieurs avaient été mis aux arrêts car ils refusaient d'abandonner les recherches après que le général avait déclaré qu'il portait disparus les deux officiers.

"Docteur Jackson," finit par dire le général Hammond, " J'envoie des équipes sur place. Je vais même faire mieux. Je vais vous accompagner mon garçon. Ne perdons pas de temps !" dit-il en se levant.

C'est malin, pensa Daniel.

Traîner la jambe pendant des heures et finalement mettre tout le monde sous pression parce que la décision est prise et qu'il faut faire vite… Ridicule. Pour sa part, il était fin prêt. Au regard de Teal'c, il savait qu'il partageait pour une fois son sentiment. Le Jaffa ne manifesta aucune émotion particulière. Le visage impassible, si ce n'est un léger haussement de sourcil, il sortit du bureau à la suite de Daniel et du général.

Daniel comprenait le lien indéfectible qui unissait le colonel à bon nombre de soldats et d'officiers au SGC, mais il avait été surpris qu'il faille désigner les équipes à la courte paille en raison du trop grand nombre de volontaires.

Pour finir, le transfert des secours jusqu'au pôle prit un temps infini. La lenteur de leur progression qui suivait la désignation épique des volontaires qui se rendraient sur place contribuait à le mettre sur les charbons ardents.

Daniel avait l'impression d'avoir passé une semaine de jeep en navette, de navette en avion cargo, de cargo en hélicoptère.

Du calme, se morigéna-t-il, tu es presque arrivé. Prends ton mal en patience.

Pense plutôt à Sam.

Quand elle a compris que la porte ne fonctionnait pas, elle a dû démonter pièce par pièce le mécanisme du panneau de contrôle qui se trouve en Antarctique.

Têtue comme elle est, elle n'aura pas abandonné tout de suite.

Sans aucun matériel à sa disposition, Daniel doutait qu'elle ait pu arriver à la même conclusion que lui. Sam devait encore se demander pourquoi ses efforts se soldaient par des échecs répétés. Il se mordit les lèvres. Il venait d'apercevoir la terre. Plus exactement quelques massifs rocheux entourés d'hectares de neige...

Heureusement pour l'équipe de secours, la tempête qui avait menacé ce secteur géographique tout au long de leur approche avait fini par céder sous la poussée anticyclonique.

Il observa le pilote qui faisait des signes cabalistiques aux hommes qui l'accompagnaient. Teal'c acquiesça. Apparemment, dans toutes les armées du monde et même de l'univers, on utilisait la même gestuelle incompréhensible pour communiquer.

Daniel haussa les épaules et attrapa son barda.

Il était capable de parler au moins trente deux langues, et certainement d'en comprendre bien davantage, mais il était totalement imperméable à la logique de cette forme particulière de communication.

La plupart du temps, il se contentait de suivre le mouvement en espérant faire le bon choix. A l'air excédé de O'Neill quand ils étaient sur le terrain, il se doutait que sa libre interprétation n'était pas forcément fondée.

Teal'c remonta la fermeture éclair de sa parka, mit ses gants et une espèce de chapka bariolée qui lui couvrait le front et qui n'avait rien à voir avec l'équipement réglementaire qu'ils portaient tous à bord.

Quelqu'un ouvrit les portes de l'appareil et un vent violent et glacé s'engouffra dans l'hélicoptère. Les membres de son équipe commencèrent à sauter sans attendre que le pilote pose l'appareil. Ils s'éloignaient en courbant le dos, traînant leur équipement.

Teal'c allait sauter à son tour quand il se retourna vers Daniel.

"Daniel Jackson, le pilote ne peut atterrir. Le terrain est trop instable. Il nous attendra à distance afin d'éviter de décrocher le manteau neigeux."

Daniel hocha la tête. Evidemment !

Il se pressa derrière le jaffa et sauta dans la neige.

Tourbillonnante et glacée, la neige soulevée par les pales des appareils leur cinglait le visage. Des cris commencèrent à jaillir de toute part au fur et à mesure que l'on installait les treuils et les divers dispositifs destinés à récupérer Jack et Sam au fond de la crevasse qui avait été repérée grâce aux indications du séismographe.

Depuis presque 38 heures, ils n'avaient cependant enregistré aucune activité particulière et Daniel croisait les doigts en espérant que ce calme apparent signifiait seulement que Sam avait abandonné le projet de faire fonctionner la porte.

Pas que ses deux amis avaient succombé au froid et à l'épuisement.

Les yeux plissés derrière ses lunettes, il sentait qu'il était en train de se transformer en un énorme glaçon. Il commença à battre des bras et à sautiller pour conserver un peu de chaleur. Comment Jack et Sam auraient-ils pu survivre …?

L'expression 'froid polaire' lui vint à l'esprit et il se rapprocha du trou béant où descendaient en rappel les premiers sauveteurs. On lui fit signe de s'approcher. Il fut sanglé dans un harnais et poussé vers l'entrée de la grotte. Des voix lui parvenaient d'en bas.

Hammond posa une main sur son épaule.

"Je suis juste derrière vous docteur."

Il était en train de glisser le long du filin qui avait été tendu. Dans quelques secondes, il saurait.

Ils ne t'auraient pas fait descendre si Sam et Jack étaient morts, pensa-t-il en évitant de penser au vide en dessous de lui. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher de laisser l'appréhension le gagner.

Même s'ils étaient toujours vivants, sans nourriture depuis des jours, il ne voyait pas comment ils auraient pu tenir le coup. Mis à part les rations réglementaires pour deux jours de mission et de l'eau à profusion, ils n'avaient que le paquetage standard au moment où ils s'étaient retrouvés coincés ici.

A supposer qu'ils ne soient pas blessés.

Il toucha le sol et se défit de son harnais. Les équipe médicales s'activaient, lui cachant une partie de la grotte.

Au fond, il y avait bel et bien une autre porte des étoiles qui vrombissait sourdement. Enchâssé dans la glace sur un promontoire en retrait, il aperçut le DHD et, en transparence, le cadavre d'un Jaffa pris dans la glace.

Il frissonna.

Puis ses yeux se posèrent sur le général Hammond. Manifestement, il paraissait rassuré. Il s'approcha lentement.

Deux infirmiers allaient le dépasser avec un premier brancard.

Sur le visage de Sam, rouge et émacié, couvert de gerçures, se lisait une détresse palpable. Avec peine, elle articula quelques mots inaudibles. Daniel se pencha vers elle et elle eut la force d'esquisser un pauvre sourire.

Sa lèvre inférieure, craquelée par le froid se déchira et le sang se mit à couler.

Il posa la main sur la petite forme immobile et lui fit signe de ne rien dire.

Les yeux brillants de fièvre, elle protesta. De sa voix méconnaissable, elle insista, agrippant Daniel à travers la couverture.

"Jack… blessé… poumon… fait…attelle… froid…" dit-elle faiblement.

Puis elle s'évanouit.

*

"Alors capitaine Carter ?" salua le général Hammond en arrivant au chevet de la jeune femme.

"Mon général ! Je vais très bien ! Essayez de persuader le docteur Fraiser que je peux retourner au labo, même si je suis d'accord pour admettre que je ne suis pas encore d'attaque pour repartir en mission, rien ne m'empêche de poursuivre mes expériences. Avoir trouvé cette deuxième porte…"

"Capitaine, du calme, du calme. Mon petit, le docteur Fraiser sait ce qu'elle fait. Si elle vous demande de garder la chambre…"

"Mais, général !"

"Samantha, croyez-moi. Profiter de ce repos forcé est la meilleure chose qui puisse arriver à un officier épuisé. En outre, je me dois de vous faire remarquer que le colonel O'Neill est loin d'avoir eu votre chance. Il ne pourra pas reprendre le commandement de SG-1 avant plusieurs semaines."

Une lueur d'inquiétude traversa le visage de Sam.

"Son état est stationnaire, et il est sorti d'affaire," la rassura Hammond. "Rien que vous ne sachiez déjà."

Elle soupira imperceptiblement et baissa la tête pour éviter de rencontrer fortuitement le regard observateur du général. Elle commença à triturer le bord de son drap.

"Mon général, et si je rapporte du travail du labo à l'infirmerie ?" insista-t-elle.

"Voyez cela avec le major Fraiser. Je ne m'y oppose pas. En revanche, il est hors de question que vous circuliez dans la base sans escorte."

"Teal'c a proposé de m'aider," annonça Sam, pleine d'espoir.

"Capitaine, vous oubliez que les ordres du médecin-chef ont la priorité quand il s'agit d'un problème de santé," s'interposa Janet, qui venait de les rejoindre. "Mon général, le capitaine Carter est libre de circuler, aussi longtemps qu'elle le fait en fauteuil roulant," asséna la petite jeune femme.

Elle redressa la tête, son menton volontaire en avant, prête à défendre son point de vue de médecin.

"C'est d'accord major," accepta Hammond. "Capitaine, Teal'c se fera un plaisir de vous pousser jusqu'au labo !"

"En effet capitaine Carter. Je serais heureux de pouvoir vous porter assistance."

Hammond se tourna vers le Jaffa.

"La question est réglée. Je n'en attendais pas moins de vous Teal'c. Bonne journée mesdames. A plus tard Teal'c."

Le grand alien acquiesça en inclinant sobrement la tête.

"Docteur Fraiser, capitaine Carter, le colonel O'Neill requiert la présence du capitaine à son chevet. Serait-il possible que j'occupe dès à présent mon office auprès du capitaine Carter ?" demanda-t-il cérémonieusement.

Le docteur dissimula un sourire, mais ne fut pas aussi habile pour déguiser sa voix .

"Teal'c vous avez ma bénédiction," lança-t-elle sans cacher son amusement. "Mais le général Hammond ne vous a pas demandé de servir de chaperon au capitaine, n'est-ce pas ? Je suis certaine qu'elle pourra tout à fait se rendre au chevet du colonel sans votre secours."

"Très bien docteur," répondit-il en saluant encore. "Je reste néanmoins à votre disposition et celle du capitaine."

"C'est vrai, je peux ?" s'exclamait Sam dans le même temps, rejetant ses couvertures et lançant ses jambes sur le côté du lit.

Janet eut un autre petit sourire. Sam rougit en réalisant l'impact que pouvait avoir sa réaction sur le docteur et son équipier.

A l'œil inquisiteur du médecin, elle se rendit compte que cette dernière n'imputait certainement pas son enthousiasme à l'annonce de sa première sortie.

"Oui, Sam. Mais faites attention."

Sam tituba dès qu'elle posa le pied par terre.

"Je vois. Je ferais attention."

"Pas de vertige ? La station debout est traître après des jours passées au lit. Si quelque chose ne va pas, appelez-moi."

Sam lui sut gré de la laisser se débrouiller sans aide. C'était exactement ce dont elle avait besoin pour reprendre confiance en elle et tester sa résistance.

Elle sentait ses jambes qui flageolaient sous elle et prit une profonde inspiration.

Le vertige n'était rien en comparaison de l'exaltation qu'elle ressentait à pouvoir se déplacer dans l'infirmerie sans soutien.

Accrochée au trépier à roulettes du goutte à goutte, elle progressait lentement. Elle reprit son souffle devant le rideau qui la séparait du lit du colonel O'Neill.

"Carter ? C'est vous ?" demanda la voix fatiguée du colonel.

"Oui mon colonel, j'arrive," annonça Carter. Elle renonça à l'idée de lui demander s'il était décent et tira le rideau.

Les deux officiers se regardèrent et chacun put lire dans les yeux de l'autre à quel point cet épisode malencontreux avait changé leur relation. Sam soutint le regard pénétrant de son supérieur, mais fut incapable d'articuler un mot. Ses yeux encore brillants de fièvre la fixaient intensément.

Il parla le premier, sans essayer de contrôler son accent du Minnesota. Sam sursauta, surprise par l'intensité de sa voix traînante et sourde.

"Qu'est-ce que vous faites debout Carter ? Asseyez-vous !" bougonna-t-il. "Teal'c va entendre parler de moi !"

"Teal'c n'y est pour rien mon colonel," le défendit immédiatement Sam, "ce sont les ordres du docteur. Je pense qu'elle veut que je reprenne mes marques…"

"Oh…" dit-il d'un ton vague.

Elle rougit et se tut. Un silence gêné s'installa. Le colonel dodelinait, emporté dans le sommeil par l'épuisement et les tranquillisants.

"Carter," reprit-il soudain. "Je vous ai appelée Sara, n'est-ce pas ?" dit-il en dardant sur elle ses yeux fébriles.

Elle hocha la tête en signe d'acquiescement. "Ne vous inquiétez pas mon colonel. Je comprends. Daniel m'a expliqué."

Ce fut au tour de Jack de hocher la tête.

"Nous ne savons pas grand chose l'un de l'autre Carter, mais je veux que vous sachiez que j'étais sincère quand je vous ai dit que je suis heureux de vous avoir sous mes ordres."

"Merci mon colonel. Je pense chaque mot que je vous ai dit."

"Je sais Carter," dit-il dans un souffle avant de fermer les yeux. "Le docteur Fraiser m'a expliqué que, sans vos soins, j'aurais sans doute perdu ma jambe."

Sa main se crispa sur le drap et Sam la serra dans les siennes impulsivement. Il rouvrit les yeux.

"Ne vous méprenez pas, Carter, je ne vous dis pas tout ça parce que vous êtes une scientifique hors pair et une femme délicieuse. C'est juste pour vous dissuader de pratiquer vos talents de secouriste sur quelqu'un d'autre…"

Elle sourit.

"J'ai fait ce que je pouvais mon colonel," dit-elle en serrant doucement sa main.

Un petit ronflement lui répondit. Le colonel venait de se rendormir. Elle resta longtemps immobile à le regarder.

Quand Janet Fraiser passa faire sa ronde, Sam Carter était étendue près de son officier supérieur et tous les deux dans les bras l'un de l'autre dormaient du sommeil du juste.

Elle tira le rideau et rangea les tranquillisants.

 

 

 

DEUXIÈME PARTIE

 

 

Le colonel O'Neill se réveilla le premier. Il faisait nuit. Un corps tiède était allongé contre le sien. Il tendit la main et le palpa.

C'était Carter.

Il actionna son walkie talkie sans obtenir de réponse des deux autres membres de l'équipe. Il insista. Peine perdue.

Il y avait eu un problème avec le stargate. Un afflux d'énergie… Il se souvenait d'avoir passé le champ gravitationnel à trop grande vitesse. Puis plus rien.

"Carter, Carter ?!" souffla-t-il d'une voix pressante. "Réveillez-vous !"

"Mon colonel ?" balbutia Sam, malmenée par le colonel qui la secouait pour essayer de la faire revenir à elle.

Sa tête roula sur son épaule et elle se redressa sur les coudes, les yeux plissés face au soleil couchant.

"Nous avons perdu connaissance. Je n'ai pas pu localiser Teal'c et Daniel. Pour l'instant je n'ai pas réussi à déterminer où nous sommes," ajouta le colonel O'Neill en s'asseyant bizarrement sur ses talons. "J'ai une jambe cassée et probablement une côte ou deux… Et vous Carter, comment vous sentez-vous ?"

"Je ne sais pas, mon colonel," répondit Carter d'une petite voix. "Je crois que ça va. Un peu mal à la tête…"

"Le DHD est sans doute par là-bas," indiqua O'Neil d'un geste vague en grimaçant de douleur malgré ses efforts pour dissimuler la gravité de ses blessures. Je n'ai pas réussi à le voir."

"Laissez-moi d'abord regarder votre jambe mon colonel."

"C'est idiot Carter. Nous allons repasser la porte et partir d'ici. Fraiser s'occupera de moi au SGC," dit-il d'un ton sans réplique.

"Mon colonel, sauf …"

"Carter, allez voir ce DHD et composez-moi cette fichue adresse et allons-y, au nom du ciel !" s'exclama le colonel avant de retomber sur un coude en soufflant bruyamment.

Sam se leva en lui jetant un regard inquiet et s'approcha de la porte au petit trot.

"La porte est encore tiède, mon colonel," cria-t-elle. "Nous ne sommes pas ici depuis très longtemps."

Elle continua ses investigations et revint s'asseoir auprès de son supérieur qui essayait de se lever.

"Je vais vous aider," dit-elle d'une voix enrouée.

Jack acquiesça avec une grimace et essaya de se redresser sans succès.

"Carter, il faut que je m'appuie sur vous, je n'y arrive pas," grogna-t-il.

Elle se précipita et tenta de le relever en le faisant basculer vers elle. L'homme pesait son poids. Une douleur fulgurante lui traversa le crâne et elle tituba malgré ses efforts, mettant leur entreprise en danger.

Jack jura et tomba sur un genou. Un gémissement lui échappa. Ce n'était pas une bonne idée.

"Mon colonel, je suis désolée. Laissez-moi vous mettre une attelle au moins !"

"Carter, ce n'est que mon mauvais genou. C'est l'autre jambe qui est cassée. Un effort, vous y êtes presque."

A force de tirer et de pousser, Sam parvint à le redresser.

Elle ne voyait pas comment elle pourrait déplacer le colonel jusqu'à la porte. Il pesait beaucoup trop lourd. Néanmoins, elle avança vaillamment, courbant l'échine et traînant les pieds. Elle trébucha et gémit. Ils se mirent à tanguer et la gravité finit par l'emporter.

O'Neill s'affala sur son second qui hurla.

"Carter ? Ca va ?"

"Je ne crois pas mon colonel. Je me suis foulée la cheville et en tombant sur moi, vous venez de me déboîter l'épaule," dit-elle en se tenant le bras. "Il va falloir que vous remettiez l'articulation en place mon colonel."

Il hocha la tête et roula sur lui-même pour s'asseoir. Il ramassa un morceau de bois et enleva son paquetage. Il se mit à fouiller consciencieusement et en sortir une large bande velpeau et une poignée de comprimés dans un sac en plastique.

"Carter, il faut que vous vous rapprochiez, je ne peux pas vraiment bouger," s'excusa-t-il.

"Maintenant, mordez ça," dit-il quand elle fut à sa hauteur.

Il lui tendit le morceau de bois. Elle hocha la tête.

"Prête ? Calez vos pieds contre ma jambe et …. Respirez, soufflez, à trois, d'accord ?"

Elle hocha la tête une seconde fois, les yeux remplis de larmes de douleur. Il lui prit le bras et elle gémit encore.

"Un, deux…"

Le colonel tira d'un coup sec et la tête de l'os reprit sa position initiale. Sam s'écroula comme un sac de chiffon sous l'impact de la douleur. Elle tomba en arrière et ne bougea plus.

"… trois," souffla Jack en la regardant s'effondrer.

Il se laissa aller contre son sac à dos et attendit que Carter se réveille.

Les yeux fixés sur l'horizon, il remarqua qu'une lune s'était levée dans le ciel, si semblable à celle de la Terre qu'il chercha fébrilement dans ses poches pour trouver ses lunettes. Il jeta un coup d'œil à son second évanoui pour la deuxième fois en quelques heures.

Elle ne dirait rien.

Elle savait bien qu'il n'y voyait plus aussi bien. Il haussa les épaules. Quelle importance ? Ils étaient à des années-lumière de la Terre.

La nuit tombait lentement. Les oiseaux arrêtaient graduellement de chanter. O'Neill finit par s'endormir, ses lunettes sur le nez, en tenant les tranquillisants qu'il comptait donner à Carter.

 

Le bruit d'une casserole et l'odeur du café le tirèrent de son sommeil. Carter avait trouvé de l'eau et allumé un feu.

Il essaya de s'asseoir mais abandonna la partie quand tout son corps se mit à protester. Immobile, il la regarda s'affairer. Elle avait rapporté une bonne provision de branchages et avait commencé à réaliser un traîneau de fortune.

Il fut pris d'une quinte de toux et Carter s'approcha rapidement. Elle arrivait à côté de lui quand il se mit à cracher du sang. Elle fronça les sourcils sans faire de commentaires.

"Bien dormi mon colonel ? J'ai inspecté les environs et je n'ai pas trouvé trace de peuplement. Si cette planète est habitée, les autochtones doivent s'être installés plus loin de la porte. A moins que cette porte ne fasse pas partie de la liste du cartouche d'Abydos et que les populations locales ne soient éteintes…" ajouta-t-elle.

Il désigna son épaule d'un geste de la main et grimaça.

"Mon épaule est comme neuve mon colonel !" s'exclama-t-elle en faisant des moulinets avec les bras. "Comment va votre jambe ?…"

"Allez-y doucement Carter ! C'est en place mais il vaudrait mieux éviter de forcer dessus pour le moment !"

"Je vous ai emprunté quelques petites pilules bleues mon colonel."

"Je vois… Alors… vous ne vouliez pas me parler de café ?" sourit-il.

"Oh si ! Je viens de le faire mon colonel, vous en voulez ?"

"J'en veux bien un peu Carter, si vous m'aidez à m'asseoir."

Il s'accrocha à elle et la laissa le soulever.

"Merci," souffla-t-il dans son café fumant.

"De rien," sourit-elle en retournant à ses travaux manuels. "J'ai presque terminé."

Il ferma les yeux et but son café lentement.

Pourquoi diable Carter ne contactait-elle pas le SGC ? Ils seraient là dans l'heure et les équipes de secours n'auraient aucun mal à le déplacer et à l'emmener sur Terre…

Elle lui cachait quelque chose. Est-ce que son état était si préoccupant que ça ou est-ce qu'il y avait autre chose ?

"Carter ?"

Elle se retourna, une branche à la main, un couteau dans l'autre.

"La porte ?"

"Je pensais attendre un peu pour vous le dire mon colonel," dit-elle en baissant la tête.

Contrairement à son habitude, il ne fit pas de scène et lui laissa le temps de mettre ses idées en place. Elle se passa la main dans les cheveux machinalement.

"Il n'y a pas de tableau de commande, mon colonel."

"Alors, comment est-ce que vous allez faire pour nous ramener à la maison Carter ?"

"Je ne vais pas 'nous ramener à la maison' mon colonel," s'énerva-t-elle. "Je vais vous soigner, que vous le vouliez ou non, parce qu'il n'y a que moi ici pour le faire. Ensuite, je vous transporterai près de la porte. Nous nous installerons à couvert dans les sous-bois et nous attendrons."

"Nous attendrons quoi?"

"Nous attendrons que vous alliez mieux ou que le SGC nous retrouve mon colonel."

"Il vous reste du café Carter ?" demanda O'Neill en lui tendant sa tasse. "Je suppose que c'est un peu loin pour aller chercher les croissants, non ? Ne vous en faites pas. Ce n'est pas la première fois que nous avons un problème. Vous trouverez bien un moyen de nous faire revenir… ou bien on viendra nous chercher !"

"Bien mon colonel."

Elle se leva et alla chercher du café.

"On viendra".

Comment pouvait-il dire une chose pareille ?

Si quelqu'un devait se rendre compte que leur situation était désespérée, c'était bien lui.

Peut-être qu'il s'en rend compte, se dit-elle en versant le café. Peut-être qu'il veut juste détendre l'atmosphère…

Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi Daniel et Teal'c ne sont pas avec nous…

Où sont donc passés les deux autres ?

*

Sam arrivait en courant. Elle franchit les derniers mètres qui la séparait de leur abri et constata que la pluie battante avait éteint le feu.

Elle se maudit d'avoir traîné en chemin.

Elle rapprocha en hâte toutes leurs affaires sous la tente de fortune et s'assura que les couvertures de survie les protégeaient du sol détrempé.

Depuis leur arrivée sur cette planète, elle avait eu le temps de faire des incursions de plus en plus éloignées en territoire inconnu et elle n'avait pas rencontré de prédateurs dont la taille dépassait celle d'un chat. En réalité, la faune était assez variée et ressemblait fortement à celle que l'on aurait pu rencontrer sur Terre dans les régions tempérées avant la période industrielle. Il y avait cependant très peu d'oiseaux. Quant à la flore, elle avait reconnu un grand nombre d'espèces sauvages identiques à celles de la Terre.

S'alimenter ne serait pas un problème quand ils arriveraient au bout de leurs rations. La source qui coulait à proximité leur fournissait suffisamment d'eau pour leurs besoins. Elle avait même pris un bain dans un petit lac pas très loin.

Elle ne s'inquiétait pas trop de cette attente. Elle n'avait qu'un seul réel souci immédiat. L'état de santé du colonel. Elle n'osait plus le laisser seul trop longtemps. Ses blessures s'avéraient plus graves que ce qu'elle avait pensé en premier lieu. La plupart du temps, il délirait ou restait prostré ou inconscient à cause de la fièvre qui l'avait saisi trois jours auparavant.

Elle essaya tant bien que mal de colmater leur toit de branchages.

Un éclair déchira le ciel, suivi à quelques secondes d'un roulement de tonnerre qui n'en finissait pas de se répercuter dans la vallée.

Le colonel se réveilla en sursaut.

"Carter ?" balbutia-t-il.

Elle sentit qu'il essayait de se redresser et elle porta un verre d'eau à ses lèvres desséchées. La fièvre avait encore monté.

"Tout va bien, mon colonel. Ce n'est qu'un orage," dit-elle en lui soulevant la tête pour qu'il puisse boire.

Il s'étrangla et se mit à tousser. Il gémit et se recroquevilla convulsivement.

"Carter, dès que cet orage est passé, je veux que vous partiez en reconnaissance," dit-il très bas d'une voix sans timbre. "Nous ne pouvons pas rester ici éternellement à attendre que le SGC nous localise." Il agita la main lui faisant signe de ne pas l'interrompre. "Je ne peux pas vous suivre et vous ne pouvez pas me soigner. Capitaine, c'est le bon choix."

"Je ne peux pas vous laisser ici mon colonel," protesta Sam. "Je peux essayer de …"

"Faire des signaux de fumée ? Carter, soyez réaliste, si le SGC ne vient jamais à notre recherche, il faudra bien que nous trouvions comment nous débrouiller ici. Et s'ils viennent, il suffira qu'ils envoient un UAV pour nous repérer," il s'arrêta pour reprendre son souffle. "Carter, il faut que vous le fassiez. Ne m'obligez pas à vous en donner l'ordre."

Epuisé, il retomba sur le dos et fixa sur elle un regard sombre et brillant. Il tendit la main vers son visage. Elle la prit impulsivement dans les siennes et la posa sur sa joue. Il sourit faiblement.

"Promettez-moi que vous le ferez Sam."

Elle hocha la tête. "Je vous le promets mon colonel, dès que vous irez mieux."

"Au nom du ciel Carter, je n'irai pas mieux !" hurla Jack avant de retomber en toussant. "Vous allez contester un ordre direct ?" Il sourit faiblement. "Promettez-moi."

"C'est d'accord," souffla-t-elle.

Il laissa sa tête rouler sur le côté. "Carter ? C'est un honneur de servir à vos côtés…. Je compte sur vous," murmura-t-il en serrant sa main avant de s'évanouir.

 

Carter se retourna une dernière fois vers leur abri de fortune et partit vers le sud au pas de gymnastique. C'était la seule direction où elle n'avait pas poussé ses explorations très loin.

C'était sa seule chance de sauver le colonel. A la condition expresse qu'elle rencontre une population suffisamment avancée technologiquement pour pouvoir le sauver.

Elle ne pouvait plus rien faire pour lui.

*

"Colonel, colonel !! Réveillez-vous ! Je vous en prie…"

Sam se redressa à genoux à côté du colonel inconscient. Elle posa en hésitant ses doigts sur l'artère du cou et soupira de soulagement. Faible, mais régulier.

"Mon colonel…. Réveillez-vous ! J'ai découvert quelque chose. Jack ?"

Elle le secoua doucement à plusieurs reprises. Elle allait abandonner la partie quand le colonel entrouvrit les yeux.

"Carter ? … vous faites là… partir…?" murmura-t-il faiblement. "Aidez-moi, Carter… peux pas… respirer…"

"Mon colonel ! Dieu soit loué !" dit-elle en le tirant de toutes ses forces pour qu'il puisse se redresser. "Nous ne sommes pas dehors. Je veux dire, nous sommes dans un endroit fabriqué. En marchant vers le sud, je me suis heurtée à un mur. Enfin, on ne voit pas de mur mais il y a un mur," expliqua-t-elle précipitamment.

"Carter… Calmez-vous…. Vous êtes sûre que ça va…?"

"Mon colonel, je vous assure que je vais très bien !" s'impatienta Sam.

"Vous voulez dire que nous sommes enfermés ?" dit posément O'Neill qui reprenait ses esprits en dépit de son état. Il tendit les mains vers la gamelle et but goulûment. L'eau ruissela sur son treillis.

"En réalité, oui," dit-elle platement.

"Vous avez essayé de claquer vos talons, Dorothée ?" essaya-t-il.

Elle lui sourit et lui épongea le front. Il n'était plus que l'ombre de lui-même. Finalement, elle aurait mieux fait de le laisser dormir. Elle se mordit la lèvre. Pourquoi est-ce qu'elle se tournait vers lui alors qu'il était pratiquement à l'article de la mort ? Quelle illusion continuait-elle à entretenir ? Comme pour répondre à son interrogation muette, le colonel jeta d'une voix plus claire.

"Vous savez… dans Star Trek, Carter, le capitaine Picard ou Worf dirait un truc comme 'ordinateur, fermez le programme' et tout s'arrêterait."

"Pourquoi ?"

"Le holodeck ?", demanda-t-il. "Bah, laissez tomber…"

"Vous voulez dire un hologramme géant ? Un programme récréatif ?"

"Oui," souffla-t-il en fermant les yeux. Il murmura une deuxième fois. "Fin du programme."

"On peut essayer," dit-elle entre ses dents.

Elle se leva et levant la tête, dit d'une voix forte.

"Ordinateur. Fin du programme."

Le paysage disparut et ils se retrouvèrent dans un gigantesque hangar de béton armé au centre duquel se trouvait la porte des étoiles.

 

 

TROISIEME PARTIE

 

Sam leva les yeux de son livre et regarda la jeune femme qui venait de lui adresser la parole. Grande, brune, parfaitement maquillée et manucurée. Encore une journaliste se dit-elle. Comment ses gens pouvait la retrouver au milieu d'une ville de plus de vingt millions d'habitants au milieu d'un parc, c'était un mystère. Celle-là avait l'air plutôt mieux élevée que les précédents…. Elle fit un sourire engageant à l'adresse de la jeune femme, l'encourageant à continuer.

"Oui, je suis bien le maj… Samantha Carter. Que puis-je faire pour vous ?"

"Je me demandais… Est-ce que vous accepteriez de me consacrer un peu de votre temps ?"

"Journaliste ?"

"Oh non !!" s'exclama la jeune femme en secouant la tête avec véhémence. Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux et remonta ses lunettes. "Que les dieux m'en gardent ! Je suis anthropologue… et … heu… d'autres… choses aussi."

"Asseyez-vous, je vous en prie."

Les manières directes de cette jeune personne plaisaient à Sam. Elle se poussa un peu sur le banc et lui fit signe de s'asseoir.

"Vous êtes certaine… heu… je suis… je m'appelle Shaylee. Shaylee Jordan," annonça-t-elle en tendant la main. "Je suis la petite-fille du professeur Daniel Jackson."

Un silence accueillit cette affirmation.

Sam secoua la tête mentalement. "Daniel n'a pas d'enfant !" s'exclama-t-elle avant de réaliser que bien des choses avaient pu se passer dont elle ignorait tout. "Excusez-moi," rougit-elle embarrassée.

"Je comprends. Ca ne doit pas être facile de faire un bond de plus de 50 ans dans l'avenir. J'imagine que vous n'avez pas pu vous mettre au courant de tout ce qui s'est passé," dit Shaylee avec un petit rire timide.

"Non, ce n'est pas cela. Voyez-vous, tout ce qui m'intéresse est apparemment top secret. Je doute qu'on nous autorise l'accès à ses données un jour. Le colonel O'Neill fait des pieds et des mains mais…" elle secoua la tête et regarda sa montre. "Il ne devrait pas tarder. C'est son tour ! C'est lui qui fait le siège des administrations aujourd'hui."

Elle regarda encore la jeune femme. Pourquoi est-ce qu'elle se mettait à lui faire des confidences ? Elle ne la connaissait pas cinq minutes auparavant. Reprends-toi Samantha. Pour autant que tu saches, elle pourrait même être à la solde… pas de parano !!

"Je pense que je peux vous aider, Sam. Ca ne vous ennuie pas que je vous appelle Sam ?"

Sam hocha la tête.

"Merci. Ma grand-mère m'a très souvent parlé de vous et du colonel O'Neill."

"Vraiment ? Qui était votre grand-mère ? Je la connaissais sûrement," demanda Sam avec un pincement au cœur. Est-ce que c'était Janet ?

"Kegan. Kegan Jaïro. Elle n'était pas terrienne. Je crois que grand-père l'avait rencontré pendant une de ses missions. Sur une planète de glace…"

"Désolée. Ca ne me dit rien. Je pense que Daniel a du faire bon nombre de missions sans nous," commença-t-elle. Avant que ce que venait de dire Shaylee ne la frappe. "Je n'ai jamais rencontré votre grand-mère…. Comment aurait-elle pu vous parler de moi ? Et du colonel ?"

"Oh… Vous ne savez pas ?" Elle hésita. "Bien sûr… personne ne vous l'a dit…"

"Shaylee ? Il y a quelque chose que je devrais savoir ?"

"Vous comprenez Sam, nous avons beaucoup de monde qui demande que nos chercheurs orientent leur travail vers le voyage temporel. C'est la grande mode ces derniers temps." Elle secoua la tête d'un air contrarié. "Je ne suis opposée à ces pratiques, mais je me heurte à une forte résistance de l'oligarchie. Vous comprenez, c'est à peu près comme si on voulait couper la Terre du réseau !" Elle se mit à rire.

"Le réseau ?"

"Excusez-moi. J'oublie que vous arrivez du passé et que vous êtes restés en quarantaine pendant six mois. Je ne crois pas qu'ils veulent vous faciliter la tâche. Vous êtes la preuve vivante que les voyages dans le temps sont possibles…"

"Shaylee, je suis très heureuse de discuter avec vous," dit Sam posément,"cependant, si vous continuez à parler par énigmes, je ne suis pas certaine que nous arriverons à quelque chose."

La jeune brune hésita avant de se jeter à l'eau.

"Je suis désolée. J'ai essayé de prendre contact avec vous depuis des mois, mais on ne m'a pas facilité la tâche."

"Ne vous excusez pas, je comprends," la rassura Sam qui maîtrisait à grand peine son impatience. Pourquoi est-ce que le colonel n'était pas encore là ? Il fallait qu'il entende ce que cette fille avait à dire, si elle finissait par y arriver !

"Merci."

Un sourire à la Daniel illumina son visage et Sam sut qu'elle pouvait lui faire confiance. C'était bien sa petite fille. Shaylee poursuivait.

"Quand Kegan est arrivé sur Terre avec mon père, le docteur Jackson venait de mourir."

*

Le colonel faisait les cent pas. Un pli vertical familier barrait son front.

Sam le regardait faire ses allers et venues sans chercher à le calmer. Elle constata avec plaisir qu'il ne boitait pratiquement plus. Bien sûr, il continuait à se plaindre de son dos et de ses genoux, mais elle savait que c'était par pure habitude. Une espèce de petit refrain magique.

Il se tourna vers elle d'un seul coup, ouvrit la bouche, secoua la tête et repartit de plus belle. Elle avala une gorgée du café qu'elle venait de commander au synthétiseur de leur appartement. La médecine avait fait des progrès, mais pas l'alimentation. Ce café était le pire qu'elle avait jamais bu.

"Carter, vous êtes certaine que cette Sheila Jordache est digne de confiance ?"

"Shaylee Jordan, monsieur. Oui j'en suis certaine."

"Pourtant elle vous a raconté que nous avons fait du baby sitting ! Carter ! Ce n'est pas sérieux enfin !"

"Mon colonel, si je peux me permettre, nous avons gardé son père parce qu'il était presque du même âge que notre fille."

"Tshhh !!!! Je ne veux même pas entendre parler de cette partie-là Carter !"

"Vous serez bien obligé d'y venir."

"Laissez-moi le temps de m'habituer Carter," dit Jack sans la regarder. "C'est bien assez pénible de voir que la paperasse a fini par envahir l'univers, sans qu'en plus… Laissez tomber. Vous croyez que c'est possible vous ?"

"Quoi mon colonel ? Que nous ayons eu une fille ? Je crois que je m'en souviendrais…" plaisanta-t-elle. Elle ne s'attira qu'un regard noir. "Si l'on considère que nos corps se dématérialisent pendant le trajet dans le vortex, et qu'ils reprennent leur forme initiale au moment de traverser le champ gravitationnel généré par la porte des étoiles, on peut imaginer un cas de figure…"

"Carter !! Oui ou non ?"

"Je pense que c'est possible."

"Alors, ça veut dire oui Carter ?"

"Oui. Absolument."

Le colonel resta muet, le temps de digérer l'information. Il se remit à marcher. Carter attendit pour la deuxième fois qu'il se calme.

"Donc en théorie, nos doubles ont passé le stargate et se sont retrouvés au SGC ?"

"Ce n'est pas tout à fait ça mon colonel."

"Ah bon ?! Ils ne se sont pas retrouvés à Cheyenne Mountain ?"

"Si… Enfin on peut l'affirmer à 99%.."

"Alors ?"

"Et bien, mon colonel, il ne s'agit pas de nos doubles. Ils sont nous au même titre que…"

"Nous ?"

"Oui."

"Donc…" il prit une profonde inspiration et son regard se fixa sur celui de Carter, "… laissez-moi résumer : dans le passé, nous avons continué à mener une vie normale, nous nous sommes mariés, nous avons eu des enfants, et cette Shirley Johnson est notre petite-fille puisque son père a épousé notre fille ?"

"C'est cela monsieur. Si l'on considère que la vie que nous menions au SGC était une vie normale," plaisanta Carter sans résultat.

"Et les règlements ?" poursuivait Jack. "Qu'est-ce que vous en faites des règlements Carter ? Moi je vous dis que cette fille est dérangée !"

"Je ne pense pas mon colonel. J'ai pu vérifier qu'elle nous connaissait parfaitement ainsi que tous nos amis. Je suis intimement persuadée qu'elle est bien notre petite fille. En outre, elle m'a apporté une preuve irréfutable."

"Quelle sorte de preuve major ? Ou s'agit-il encore d'un fantasme féminin ?"

Sam renonça à relever la provocation. Quand Jack était désorienté, son machisme devenait patent. Elle ramassa le sac en papier kraft qu'elle avait posé à ses pieds, l'ouvrit et en sortit un chapeau de cow-boy en cuir patiné. Au bout de la fine cordelette tressée qui faisait le tour du stetson pendaient des pointes en argent repoussé. Sans un mot, elle le lui tendit.

"C'est le chapeau que j'ai offert à Teal'c…" murmura Jack en le tournant et le retournant.

"C'est ce que j'ai pensé aussi mon colonel," soupira-t-elle. "Je suis contente que vous l'ayez reconnu."

"Est-ce que ça veut dire que nous existons encore… maintenant ?"

"Non mon colonel. Nous avons été portés disparus en mission de reconnaissance sur Alpha du Centaure, en 2024."

"Carter !! Vous plaisantez ! En 2024 j'aurais eu… C'est impossible !"

"La médecine a fait beaucoup de progrès mon colonel…"

"A ce point-là ?!… bon, admettons. Alpha du Centaure ? Ca fait rêver…"

"Oui. Teal'c est retourné se battre sur Chulak," poursuivit-elle, "jusqu'à ce que les factions des grands maîtres Goa'Ulds s'entretuent aux alentours de 2016. Apparemment, les Tok'ras furent victimes d'une épidémie…" Sa voix se brisa.

"Jacob ?"

Elle hocha la tête.

"Je suis désolée Sam," dit-il gauchement.

"Ca ne fait rien. Il est peut-être encore là, quelque part… enfin c'est ce que je préfère penser en tout cas…. Marc a émigré sur les colonies vénusiennes et ses enfants sont restés là-bas après sa mort et celle de Joan."

"Vous êtes en train de me dire que tous ceux que nous avons connus ont disparu ? Ne répondez pas. C'était idiot."

"Pas tant que ça. Sara est morte seulement l'année dernière. Son fils et son petit-fils sont pilotes sur la navette-cargo Terre-Lune."

"Pilotes ? Mais elle s'était remariée avec un représentant en assurance !!"

Ils éclatèrent de rire ensemble.

"Carter ?"

"Colonel ?"

"Si nous devons dîner avec cette jeune personne, il vaudrait probablement mieux que je ne vous appelle pas Carter… qu'on ait l'air d'une famille…"

"Je crois que je pourrais m'y faire, Jack."

"A ce que je ne vous appelle plus Carter ?"

"Non : à ce que nous ayons l'air d'une famille."

*

Sam déposa un baiser sur les lèvres de son compagnon et lui ferma les yeux. Elle remonta lentement le drap sur lui. L'infirmière qui l'avait assisté pendant les derniers instants de son époux se retira silencieusement.

Sam marcha jusqu'à la fenêtre de la chambre. L'hôpital dominait la sierra et le spectacle du soleil couchant était magnifique.

Ils avaient eu une belle vie. Meilleure que tout ce qu'elle avait pu imaginer. Elle bénissait les dieux d'avoir vécu toutes ces années auprès de Jack O'Neill.

Elle fut parcourue d'un frisson. Après la cérémonie de crémation, elle pourrait mener à bien la mission qu'ils s'étaient fixés. Elle sortit son portable et appela Shaylee.

Il fallait que tout soit mis en place et réalisé à la nano-seconde près.

 

 

CONCLUSION

 

"Jack… " dit Sam en s'avançant vers le bouillant colonel O'Neill. "C'est moi, Jack. Tu es encore plus beau que dans mon souvenir," ajouta-t-elle les yeux brillants.

Elle fut récompensée par l'expression d'absolue surprise qui se lisait maintenant sur le visage du colonel. Du coin de l'œil, elle vit que Daniel profitait de la plaisanterie à sa juste valeur. Mon dieu, comme Daniel lui avait manqué. En le revoyant, si jeune, si enthousiaste, elle sentit que les larmes lui piquaient les yeux.

"Daniel !" s'exclama-t-elle quand l'archéologue l'étreignit fougueusement. Est-ce qu'il ne se rendait pas compte à quel point elle était devenue fragile ?

Enfin, elle se retourna vers le capitaine Carter et lui tendit les bras. Oh… Je suis déjà major…

"Sam…"

Elles hésitèrent avant de se précipiter dans les bras l'une de l'autre. La sensation était étrange néanmoins. Elles se prirent spontanément par la main et se tournèrent vers le colonel, manifestement exaspéré.

"Est-ce que quelqu'un va consentir à m'expliquer ce qui se passe ?" protesta O'Neill. Son regard allait de l'une à l'autre et le doute finit par s'insinuer dans son esprit. Le même sourire, la même taille..

"Mon colonel," dit son second d'un ton emphatique, "Samantha Carter," annonça-t-elle.

Le colonel eut un hoquet, vérifia autour de lui que personne ne bronchait et admit qu'il était bien réveillé.

"Carter ?!"

"Je n'en sais pas plus que vous mon colonel," sourit Carter.

"Je boirais bien quelque chose," dit posément la vieille dame. "Pour l'amour du ciel, je suis frigorifiée ! Cette balade m'a secouée les enfants."

*

"Vous devez me promettre que vous y veillerez George."

"Vous ne pouvez pas m'en dire plus, Sam ?"

"George, vous savez aussi bien que moi qu'il ne m'est pas possible d'en dire plus sans risquer d'altérer le futur."

"Je comprends. Je vous promets que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour dissuader le docteur Jackson de mettre sa vie en péril sur P2V-544, mais vous le connaissez…"

"Oui," sourit la vieille dame. "Impétueux, inconscient du danger et le cœur sur la main. Ils forment une sacrée équipe tous les quatre…" dit-elle avec une pointe de regret.

"La meilleure !" souligna le général.

"George, j'ai encore une faveur à vous demander."

"Tout ce que vous voulez Sam."

"Jack m'a parlé pendant des années de sa cabane dans le Minnesota. Est-ce que je pourrais vous emprunter un hélicoptère et y faire l'aller retour avant de repartir chez moi ?"

"Considérez que c'est fait Sam," dit affectueusement Hammond. La voyant qui se levait, il se rapprocha. "Vous êtes sûre de vouloir repartir… chez vous ?"

Elle posa la main sur le bras du général et leva sur lui le même regard transparent que la jeune major.

"Non, George, je n'en ai aucune envie. Je n'ai pas le choix. Croyez-moi sur parole, ce serait trop long de vous expliquer…"

Elle l'embrassa doucement sur la joue et il la serra dans ses bras.

"C'était bon de revenir, général."

*

Jack jeta une autre bûche dans l'âtre et regarda les flammes lécher l'écorce. Des flammèches jaillirent et la bûche gorgée de résine s'embrasa.

"Encore un peu de café ?" proposa-t-il.

"Je ne sais pas… Je ne pourrais pas dormir," hésita la Sam du futur.

"Qui parle de dormir ?" dit O'Neill d'un air coquin. "Ce n'est pas tout les jours que la célèbre Sam Carter accepte de venir jusqu'ici ! Pourtant ce n'est pas faute de lui avoir demandé…" dit-il en se retournant vers la cheminée soudain gêné.

"Oh… vous lui aviez demandé ? Bien sûr, j'aurai dû m'en douter," grommela Sam. "Elle a refusé n'est-ce pas ?"

"Oui."

"Il faut insister Jack. Je ne voudrais pas avoir à y renoncer si j'étais elle. Pour rien au monde."

"Mais vous êtes elle !"

"Justement Jack. Croyez-moi. Insistez."

 

 

 

FIN